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vol énorme que tu as voulu perpétrer. Que n’as-tu eu l’idée de me poignarder plutôt que de toucher à mes pauvres chers écus ?… Mais je te pardonne ce crime, te dis-je !… Et quant à ta trahison, monseigneur en jugera, et peut-être te fera-t-il grâce si tu lui racontes les choses telles qu’elles se sont passées. Me le jures-tu ?

— Sur ma part de paradis, je te le jure !

— Bon. En ce cas, je vais me contenter de juger le tort que tu me causes à moi-même en me faisant courir le risque d’être pour le moins chassé par monseigneur. Et je vais te punir par où ut as péché…

— Comment cela ? Comment cela ? bredouilla Gillot en verdissant de terreur.

— Oui, tu as trahi ton maître et ton oncle pour sauver tes oreilles. Eh bien, je vais te couper les oreilles.

— Miséricorde ! ", rugit l’infortuné Gillot.

Gillot s’était levé tranquillement et essayait le tranchant de son couteau sur l’ongle de son pouce.

Il s’approcha de son neveu qui, livide, les yeux fermés, eut encore la force de se dégager.

"Au moins, n’en coupez qu’une !…"

Il avait à peine terminé cette singulière objurgation qu’une clameur terrible jaillit de sa gorge : le terrible vieillard venait de lui saisi l’oreille droite et, la tirant fortement, l’avait tranchée d’un seul coup de couteau.

L’oreille tomba sur le sol de la cave.

"Grâce pour celle qui me reste, vociféra Gillot, ivre d’épouvante et de douleur. Grâce ! pitié…"

Avec la même tranquillité, l’oncle était passé à gauche et, au bout d’une seconde, l’oreille gauche de Gillot avait rejoint son oreille droite sur le sol ensanglanté.

Nul n’évite sa destinée, assurent les fatalistes. Il paraît que celle du malheureux Gillot était d’être tôt ou tard privé de ces deux vastes et larges ornements que la nature avait prodigalement octroyés à chaque face de son visage.

Une fois sa besogne accomplie, le hideux vieillard se mit à sourire.

Mais lorsqu’il vit son neveu inondé de sang, lorsqu’il le vit sans connaissance, il frémit et grommela :

"Diable ! il ne faut pas que cet imbécile meure tout de suite. Il est mon témoin devant le maréchal ! "

Il s’empressa donc de courir à l’office et en rapporta de l’eau, du vin sucré, un cordial, des compresses.

Lorsqu’il eut bien lavé les deux plaies, lorsqu’il les eut cautérisés au vin sucré, lorsqu’il les eut bandées convenablement, il