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Une fois qu’il se fut vautré tout son soûl dans cet argent et cet or, Gillot, les jambes écartées, les bras raides, tout pesant et tout embarrassé, se recula en murmurant :

"Quel malheur ! j’en ai à peine la moitié. Or çà, fuyons ! "

Il se tourna vers la porte et demeura pétrifié.

Son oncle était là !

Le terrible Gillot, accoté à la porte fermée, le regardait faire, avec un sourire blafard.

Gillot voulut joindre les mains, et dans ce mouvement, deux ou trois écus roulèrent sur le carreau.

Gillot se laissa tomber à genoux, et alors ce furent ses chausses qui crevèrent, la danse des écus recommença, une course d’or que le vieillard suivait du coin de l’œil en continuant à sourire le plus hideusement du monde.

Ce que voyant, Gillot essaya de sourire aussi : d’où le choc de deux grimaces extraordinaires.

"Mon oncle, mon digne oncle, balbutia Gillot.

— Que fais-tu là ? demanda le vieillard.

— Je… vous voyez… je… range votre coffre…

— Ah bon ! TU ranges mon coffre ? Et bien, continue, mon garçon."

Gillot demeura interloqué.

"Que… je continue ?

— Mais oui : il y a ici dans mon coffre vingt-neuf mille trois cent soixante-cinq livres en argent et soixante mille deux cent vingt-huit livres en or ; en tout, si je sais compter, quatre-vingt mille cinq cent quatre-vingt-treize livres. COmpte, mon garçon, compte devant moi, écu par écu ; range-moi tout cela par piles de vingt-cinq ; l’or à droite, comme étant plus noble ; l’argent à gauche ; allons… qu’attends-tu ?

— Voilà, mon digne oncle, mon bon oncle, voilà ! " fit Gillot.

Et il se mit à vider ses poches, ses chaussures, son pourpoint.

Le rangement commença avec ordre et méthode, sous les yeux de Gillot qui brillaient comme des escarboucles.