gosier cette transmutation que je préparais dans mon imagination, je dis que je dois m’appeler Laguigne."
Capestang fut attendri.
"Laguigne, dit-il, tu es un homme digne de Plutarque. Saint Martin n’eût envoyé que la moitié du pâté.
— Monsieur, je vous assure que vous me consolez, dit Laguigne. Mais ce n’est pas tout. Continuez maintenant à tirer. Tirez toujours.
— Serait-ce encore un pâté ? fit le chevalier.
— Non, monsieur, c’est une planche, tout simplement. N’ayez pas peur, elle est solide. Je l’ai essayée aujourd’hui. Tirez. Tenez bon."
Le chevalier obéissait machinalement. De la lucarne, il vit en effet sortir le bout d'une forte et longue planche que Laguigne poussait tandis qu'il tirait. Bientôt le bout de la planche vint s'appuyer à l'ouverture de son toit, tandis que l'autre extrémité s'appuyait au rebord de la lucarne.
"Voilà le chemin !" dit Laguigne.
Capestang frémit à l’idée de se hasarder sur ce pont fragile suspendu à soixante pieds de hauteur. Un vertige, un faux pas, et tout était fini ! Il frémit, mais il n’hésita pas. Rapidement, il agrandit l’ouverture en supprimant un certain nombre de tuiles, se mit debout sur la planche, et marcha de ce pas sûr et hardi de l’homme qui, ayant fait les sacrifices de sa vie, n’a plus rien à craindre. Quelques secondes plus tard, il se glissait à travers la lucarne de Laguigne. Alors seulement, la réaction nerveuse accomplissant son œuvre, il se laissa tomber sur un escabeau et essuya son front, où pointait une sueur froide.
Laguigne en même temps, ouvrait la porte de la mansarde, qui donnait sur un long couloir où Capestang entrevit des planches, des auges, des cordes – matériel des maçons qui réparaient les combles de cette maison, et dans lequel l’honnête et reconnaissant inconnu qui répondait à des noms si bizarres avait pu choisir, une fois la journée terminée, les instruments de délivrance auxquels le chevalier devait la vie et la liberté. Laguigne, donc, ayant ouvert sa porte, se mit à la lucarne, attira à lui la planche que peu à peu, il glissa dans le couloir, et qu’il remit en place avec la corde.
Alors, il alluma un lumignon à la fumeuse lueur duquel Capestang se vit dans une misérable chambrette ornée, pour tout meuble, d’un escabeau et d’un coffre. Il était assis sur l’unique siège. Mais le coffre l’intriguait.
"Qu’est-ce que c’est que ça ? ? demanda-t-il en soulevant le couvercle.
— Ma chambre à coucher et ma salle à manger, dit Laguigne. Quand je veux dormir, j’ouvre ce coffre et je me couche dans le foin qu’il contient. Quand je me mets à table, je ferme le coffre et sur le couvercle je mets mon couvert.