Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/62

Cette page n’a pas encore été corrigée

fille en tressaillant. Soyez donc sans inquiétude et chassez ces idées noires qui vous assiègent."

Mais déjà, cette flamme de raison qui avait un instant brillé dans les yeux de la pauvre folle paraissait près de s'éteindre. Ses yeux redevenaient hagards. Peut-être ne reconnaissait-elle plus sa fille. Elle s’était levée, et, à demi penchée, prêtait l’oreille à des bruits imaginaires.

"Non ! murmura-t-elle enfin, ce n’est pas lui, grâce au ciel ! Mais, ajouta-t-elle en se tournant vers sa fille, qui donc, tout à l’heure, parlait de Charles d’Angoulême ? Où est-il ? Est-il donc sorti de la Bastille ? Oh ! si cela est, jeune fille, si vous avez pitié de moi, conduisez-moi près de lui.

— Hélas ! soupira Giselle. Mère ! mère chérie, ne reconnaissez-vous pas votre Giselle ? Ne savez-vous pas que mon père est près de vous ? Voulez-vous que je l’aille chercher ?

— Non, non, fit Violetta. Ne me quitte pas. J’ai peur quand vient la nuit. J’ai peur lorsque je vois ces ombres entrer silencieusement, s’amasser aux angles et peu à peu gagner toute la pièce.

— Je vais faire apporter un flambeau, dit Giselle en essayant de s’éloigner. Mais Violetta l’étreignait convulsivement et râlait :

— Ne me quitte pas ! J’ai peur de la lumière plus encore que des ombres.

— Oh ! murmura Giselle, encore une de ces affreuses crises ! Quel mot imprudent l’a provoquée ? Qu’ai-je dit ? hélas ! Ma mère, je vous en supplie, écoutez-moi... ma voix vous calme toujours. Ne craignez rien… je suis là pour vous défendre.

— Va-t-en ! cria la folle d'une voix désespérée, va-t-en ! Je l'entends qui vient !..."

Violetta, tout à coup, repoussa sa fille, et se réfugia d’un bond dans l’angle le plus obscur de cette pièce que la nuit envahissait. Là, elle se jeta à genoux, cacha son visage dans ses mains, et éclata en sanglots. Giselle, pâle de pitié, l’avait rejointe et la couvrait de ses caresses. Et peu à peu, en effet, les larmes et la voix de sa fille calmaient la pauvre folle qui, enfin, consentit à se laisser conduire dans sa chambre à coucher où, brisée par la crise de terreur, elle s’étendit tout habillée sur son lit.

"Ma mère, dit Giselle avec sa douce autorité, il faut dormir. Dormez, ne fût-ce que quelques heures. Votre chère tête a tant besoin d’être rafraîchie."

Violetta se souleva sur un coude, saisit la main de Giselle, et murmura.

"Dormir ? Que dis-tu, enfant ? Et s’il venait pendant mon sommeil, comme il est venu une fois déjà ! Écoute... je ne t'ai jamais dit... Il faut que tu saches.

— Non, mère, je ne veux pas savoir, dit la jeune fille frémissante.