― Oui, mon père !" répondit Giselle.
A ces mots, elle se retira de ce pas léger et noble tout à la fois, de cette démarche fière et gracieuse que les poètes de l’Antiquité prêtaient aux déesses de l’Olympe. Rapidement, Giselle gagna un appartement reculé, dont les fenêtres donnaient sur la route et elle poussa une porte.
Là, dans une pièce aux meubles vétustes, aux tapisseries fanées, aux soieries décolorées, aux meubles élégants du temps d’Henri III, dans cette pièce où régnait une demi-obscurité, où de légers parfums se balançaient dans l’air, une jeune femme vêtue de blanc, occupait ses doigts fuselés à un délicat travail de tapisserie, tandis qu’à ses yeux hagards, on pouvait reconnaître que son esprit, lui aussi, comme tout ce qui l’entourait, s’estompait d’ombre.
Nous avons dit : une jeune femme. Et en effet, bien que cet adorable visage eût subi les premières atteintes du temps, bien que la splendide chevelure éparse sur ses épaules fût sur cette tête exquise une auréole d’argent pur et brillant, il semblait impossible d’appliquer une autre expression à cette merveilleuse créature.
Il semblait qu'elle se fût pétrifiée en pleine jeunesse. Elle était comme ces fées qui, à cent ans, sont jolies encore, parées de grâce et d’amour. Elle travaillait avec des gestes agiles et graciles, et chantait à demi-voix un rondel de Ronsard.
Giselle, un instant la contempla avec une sorte d’admiration douloureuse. Puis elle se rapprocha d’elle et l’embrassa tendrement. Celle qui portait ce si joli nom de Violetta leva sur la jeune fille un regard d’amour maternel, et son fin visage s’illumina. Giselle s’était assise sur un tabouret aux pieds de sa mère.
"Comment ne t'ai-je pas vue de toute la journée ? demanda Violetta. Voici déjà le soir, et tout le jour, je t’ai attendue en vain. Un jour entier sans voir ma Giselle, c’est beaucoup, sais-tu ?"
En parlant ainsi, la mère caressait de sa main pâle l’opulente chevelure de sa fille, et vraiment dans cet instant, on eût dit que ses yeux s’éclairaient d’une flamme d’intelligence et de raison.
"Ma mère, dit Giselle d’une voix caressante et enjouée, j’ai dû m’absenter, courir les routes, comme une véritable amazone… mais c’était pour le service de M. votre époux, de M. le duc d’Angoulême, et rien ne me coûte alors.
—Courir les routes ! murmura Violetta en hochant la tête. Prends garde, ma fille ! Prends garde aux voleurs de grands chemins... il en est, de ces misérables, qui guettent les jeunes filles au détour des bois sombres... que dis-je ! ils pénètrent jusque dans les maisons !
— Je suis capable de me défendre, ma mère ! dit la jeune