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"Messieurs, cria-t-il d’une voix claire au milieu de ce murmure de stupéfaction et d’envie qui saluait la fortune de Capestang, je vous présente le Capitan ! Je vous présente le chevalier du roi ! Je vous présente l’homme qui m’a sauvé la vie deux fois et a sauvé mon trône trois fois. Messieurs, je veux ici user de mon privilège royal qui est de parler le premier, qui est de saluer le premier l’homme qui vient de prouver au monde que LA BRAVOURE, LA FORCE D’ÂME et LA NOBLESSE DE CŒUR sont encore les armes les plus terribles qui aient été mises au service de l’humanité. Messieurs, le roi de France crie : « Vive le Capitan ! »"

Et le roi descendit de son trône, donna la main à Capestang et le reconduisit en traversant la salle dans toute sa longueur, tandis que les chapeaux s’agitaient en l’air, tandis qu’une vingtaine de gentilshommes tirant leurs épées présentaient les armes, tandis enfin qu’une immense acclamation montait, grondait, franchissait les fenêtres et se répandait sur Paris :

"VIVE LE CAPITAN !..."


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Il nous reste à parler de Cogolin. Le matin où il vit son maître partir comme un ouragan, Cogolin fit le geste de s’arracher les cheveux en constatant que le chevalier, loin de courir vers quelque honnête tripot, comme il l’avait un instant espéré, tournait le dos à Paris. Il se consola néanmoins, en comptant les pistoles qui restaient au fond de la bourse que Cinq-Mars lui avait octroyée. Malheureusement pour lui, la journée s’étant écoulée sans que le chevalier de Capestang eût reparu à la Bonne-Encontre, Cogolin, vers la nuit tombante, se mit en quête de son maître et, comme il arrivait à l’encoignure de la rue Dauphine, d’instinct, il fut assailli par une bande de détrousseurs qui lui ôtèrent sa bourse et, en échange, le gratifièrent de nombre de coups de bâton.

Le lendemain matin, le pauvre Cogolin se prépara à quitter pour toujours l’auberge qu’il appelait à bon droit la « Mauvaise-Encontre », lorsque Garo lui offrit le poste de laveur de vaisselle dans son auberge. Cogolin accepta aussitôt en se disant que, de par son emploi même, il habiterait au moins une cuisine, ce qui avait toujours hanté ses rêves. Cogolin, donc, vers midi, lavait mélancoliquement la vaisselle dans l’arrière-cuisine. Garo le vint tout à coup prévenir qu’un cavalier voulait lui parler. Cogolin s’avança, timide et méfiant, vers un officier royal qui venait de mettre pied à terre dans la cour.

"C’est vous qui vous appelez Cogolin ? demanda rudement l’officier.

— Oui, monseigneur, bégaya Cogolin qui pâlit. La guigne, songea-t-il, voilà la guigne finale qui me vient assommer. M. le chevalier aura fait quelque esclandre. Je suis sans doute accusé de complicité. Je vais être pendu.