Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/524

Cette page n’a pas encore été corrigée

fut scellée, Capestang appela Cogolin, lui commanda d’aller chercher du vin, du meilleur qui se trouvât dans les caves de maître Garo, et de monter, en outre, quelque poulet froid, accompagné de quelque pâté. Cogolin, non sans une grimace, puisa dans la bourse même qu’il venait de recevoir, et bientôt les deux amis s’attablèrent. Alors, devant le bon pâté au succulent fumet, sous l’influence des vins généreux, toute trace d’embarras disparut, et ce fut un assaut pareil à celui qu’ils s’étaient livrés à l’hôtellerie des Trois-Monarques.

Enfin, Cinq-Mars annonça qu’il allait reprendre son cheval aux Trois-Monarques, afin de s’éloigner de Paris avant le jour. Il fit jurer à Capestang de le venir voir à Orléans, où il s’était réfugié. Enfin, après les dernières embrassades et les derniers serments d’amitié fidèle, Cinq-Mars, sur le pas de la porte de la chambre, s’arrêta embarrassé comme s’il eût eu quelque chose de difficile à dire.

"Cher ami, dit-il enfin d’une voix sourde, c’est un dernier service que j’ai à vous demander : un service plus important, peut-être, que tous ceux que vous m’avez rendus, car alors c’était seulement mon amour et ma vie qui se trouvaient engagés, tandis que maintenant il s’agit de mon honneur.

— Parlez ! fit Capestang étonné. Voulez-vous que je vous serve de second en quelque rencontre ?

— Non, non, ce n’est pas cela. Écoutez, chevalier, un jour bientôt peut-être, vous serez marié."

Capestang pâlit et secoua énergiquement la tête.

"Si fait ! reprit Cinq-Mars. Je vois plus clair que vous en toute cette affaire. Vous épouserez, mon cher, une jeune fille de grand cœur et d’âme vaillante comme vous, je vous le prédis.

— Jamais, murmura Capestang.

— Enfin, écoutez. Si cela arrive, voici le service que j’ai à vous demander. Envers celle qui vous est destinée, envers son père, ma conduite a été indigne d’un gentilhomme. J’ai été odieux.

— Mais, balbutia Capestang, vous connaissez donc...

— Écoutez jusqu’au bout, interrompit gravement Cinq-Mars. À cette jeune fille, à ce père, donc, je vous supplie de dire que le marquis de Cinq-Mars n’a qu’une excuse : il était aveuglé par une passion. Vous leur direz que je me mets à leurs pieds. Vous leur direz que moi-même, devant vous, me suis déclaré indigne du titre de gentilhomme tant qu’ils ne m’auront pas pardonné. Et c’est vous, Capestang, c’est vous, mon ami, qui obtiendrez mon pardon."

Capestang, stupéfait, hagard, palpitant, écoutait avidement.

"Enfin, acheva Cinq-Mars, à elle, à elle seule, vous ajouterez ceci : c’est que le marquis de Cinq-Mars est honteux