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"Holà, monsieur le chevalier, éveillez-vous, de grâce, éveillez-vous ! Ce n’est pas la guigne qui vient, c’est la chance !"

Capestang, ainsi réveillé pour la deuxième fois, ne jura pas, ne poussa pas d’imprécation, mais il sauta du lit, saisit un bâton et le leva sur les épaules de l’infortuné Cogolin.

"Ne le battez pas, mon cher chevalier, dit à ce moment une voix, c’est moi qui ai forcé la consigne !"

Et le gentilhomme à la bourse d’or entra. Cogolin profita de la diversion pour fuir et fermer la porte derrière lui. L’inconnu alors, devant Capestang stupéfait, laissa tomber son manteau.

"Cinq-Mars ! s’écria le chevalier. (Il vient me provoquer, songea-t-il.) Un instant, mon cher marquis. Permettez-moi d’abord de me mettre dans une tenue plus présentable, et veuillez, cependant, prendre ce siège. Vous êtes le bienvenu, bien que l’heure soit plutôt au sommeil qu’à l’épée."

Cinq-Mars s’assit. Il paraissait ému. Il avait répondu d’un signe de tête à la bienvenue de Capestang, lequel ne perdit pas de temps pour s’habiller de pied en cap et assurer sa bonne rapière à son côté.

"Là, dit-il alors en s’asseyant à son tour. Je suis à vous. Qu’avez-vous à me dire ? Il faut que ce soit grave, pour que vous ayez choisi une pareille heure."

Cinq-Mars se taisait toujours. Capestang éclata de rire :

"Vous rappelez-vous, marquis, notre première rencontre sur les bords de la Bièvre ? Vous m’appelâtes capitan. Nous devions nous pourfendre. Est-ce pour renouer cette conversation que vous êtes venu ? Ne vous gênez pas, mon cher. Capitan j’étais, capitan je suis resté. Ainsi donc, si le cœur vous en dit, je suis votre homme, bien que je vous en veuille un peu de m’avoir réveillé. Mais sans doute il était écrit quelque part que je ne dormirais pas cette nuit."

Et sur ce mot, Capestang devint tout à coup pensif. Ces hasards répétés qui lui coupaient son sommeil finissaient par prendre une mystérieuse signification, et il lui semblait maintenant qu’une voix lui criait : « Ne t’endors pas ! Debout ! Capestang à la rescousse ! » À ce moment, le marquis de Cinq-Mars, d’un accent ému, lui disait :

"Chevalier, je suis arrivé à minuit à Paris. Je suis venu ici en ne prenant que le temps de laisser mon cheval aux Trois-Monarques, car je ne voulais pas être remarqué. Excusez-moi de vous avoir réveillé. C’est que j’étais pressé, voyez-vous, pour trois raisons ; la première, la moins importante, c’est que proscrit, traqué par les agents de M. de Richelieu, je ne pouvais traverser Paris que la nuit. La deuxième, c’est que je dois repartir avant le point du jour. La troisième, c’est que ce que j’ai à vous dire ne souffre aucun retard."

Capestang s’inclina froidement. Cinq-Mars reprit :

"Chevalier, j’ai eu des soupçons contre vous au sujet de ma chère Marion. Je sais maintenant que ces