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non, ce n’est pas seulement mon égoïsme qui a fait de Violetta une malheureuse démente..."

Et, d’un trait, la scène d’Orléans mille fois racontée par Violetta, la tentative de Concini se retraça à son esprit. Et alors, il comprit ce qu’il y avait eu de hideux dans cette sorte d’alliance qu’il avait consentie, dans ce pacte qui, un moment, l’avait enchaîné à Concini ! Il souhaita la vengeance. La colère se déchaîna en lui. Il se jura de ne prendre ni trêve ni repos avant d’avoir châtié Concini...

À ce moment, la porte par où était sortie dame Nicolette s’ouvrit ; deux femmes entrèrent. Charles d’Angoulême fut agité d’un long frémissement de joie pure et vivifiante. Il se dressa, tout pâle, les bras tendus ; l’instant d’après, dans ses bras, il serrait Giselle, sa fille, et Violetta, sa femme, tandis que l’hôtesse s’essuyait les yeux du coin de son tablier. Ce fut une heure de félicité pendant laquelle tout fut oublié ; la première émotion passée, commencèrent mille questions, mille réponses qui se croisèrent au hasard. Puis vinrent les projets de départ fiévreusement exposés par le duc. Pas un mot ne fut dit de Cinq-Mars. Giselle, de son côté, songeait peut-être à Capestang, mais elle gardait pour elle. Seulement, quand son père, faisant allusion à l’abandon de Cinq-Mars, lui dit :

"Je te consolerai, mon enfant. Toute ma vie, maintenant, est à vous deux seules. Je te chercherai, je te trouverai quelque noble et beau gentilhomme plus digne de toi que celui qui nous a trahis.

— Mon père, répondit Giselle, je me suis juré de n’épouser que l’homme capable par son courage de nous venger de Concini, de venger ma mère !

— Ce soin me regarde ! fit d’Angoulême les dents serrées. Ta mère sera vengée, je te le jure ! Pauvre femme ! Pauvre chère Violetta ! Oh ! si des années d’amour et de dévouement peuvent lui rendre la raison...

— Regardez-la, mon père ! Regardez ses yeux !" dit Giselle.

Jusqu’à ce moment, en effet, Violetta n’avait prononcé que peu de paroles. Elle gardait cette attitude timide et presque apeurée, qu’elle avait pris l’habitude de conserver, depuis bien longtemps, en présence de l’homme qui jadis l’avait adorée. Le duc prit la main de Violetta, et, comme le lui avait sa fille, la regarda dans les yeux. Alors, au bout d’une minute de silencieuse contemplation, il se mit à trembler.

Quel bouleversement s’était opéré dans le cerveau de Violetta ? Quelle mystérieuse secousse avait enfin brisé les liens qui avaient enchaîné cette pensée ? Il ne savait !... Mais ce qu’il savait, ce qu’il voyait clairement, c’est que les yeux de Violetta avaient pris cette limpidité, cette lucidité que donne la raison reconquise, et que les brumes de la démence enfin s’étaient dissipées. Le duc tomba à genoux.

"Guérie !" cria-t-il en couvrant de baisers les mains de sa femme.

Violetta, doucement,