tu m’appartiens. Écoute, aujourd’hui, si tu désertes, si tu me quittes un seul instant, je vais trouver le roi, je me dénonce, je te dénonce.
— Oh ! rugit Concini en saisissant ses cheveux à pleines mains, et je ne l’ai pas tuée !
— Tu me tueras demain ! dit Léonora, farouche, terrible comme une statue des Erynnées. Tu me tueras demain. Tu emporteras demain ta Giselle ! Car demain ! Ah ! demain, Concino, tu seras roi ! Va ! Va rejoindre celui qui, pour quelques heures encore, occupe ta place."
Et, furieuse, déchaînée, ses forces décuplées, elle poussa Concini jusque dans la salle du trône. Elle allait ensuite se ruer vers la pièce où se trouvaient Belphégor et Lorenzo : mais elle demeura clouée sur place, dans l’encadrement de cette porte... Là, près d’elle, elle voyait Belphégor.
"Lorenzo, haleta-t-elle en lui jetant un regard menaçant.
— Ne craignez rien, maîtresse, je le surveille.
— Il a voulu t’acheter, hein ? dis ! parle !
— Oui, mais je ne suis pas à vendre, maîtresse. Je lui ai dit non. Alors, derrière lui, tout à coup, il a soulevé une tenture comme pour fuir. Mais il a reculé. Il avait l’air d’un fou. Quels yeux, maîtresse ! Plus terribles que les vôtres.
— Et puis ! Où est-il ! Parle donc, misérable esclave !
— Là !" fit Belphégor en allongeant le bras.
Et il désignait la foule des gentilshommes qui entouraient le roi. Tout à coup, elle le vit ! Elle vit Lorenzo qui se glissait jusqu’au roi ! Et elle demeura éperdue, glacée.
"Il m’a devinée ! Il sait que je l’ai condamné, et il va me dénoncer !"
Cet effroyable moment dura quelques secondes. Tout à coup, elle respira. Lorenzo avait-il parlé au roi ? Non, sans doute ! Il n’avait pas osé. Il revenait, se faufilant à travers la foule... Alors, elle saisit le bras de Belphégor et prononça :
"Tu attendras la nuit. Alors, seulement, tu sortiras du Louvre. Tu accompagneras Lorenzo jusque chez lui. Tu le tueras, et tu jetteras son cadavre à la Seine."
Elle songeait :
"Si, d’un mot, il a pu éveiller un soupçon, si le petit roi envoie chercher l’astrologue pour l’interroger, il faut qu’on ne retrouve même pas son cadavre !"
Et elle se recula et disparut.
Il était neuf heures et demie lorsque Lorenzo quitta le Louvre, escorté de Belphégor. Quant à Léonora et à Concini, l’ordre du roi les retenait, ainsi que Luynes, Richelieu, Ornano, tous ses conseillers. Belphégor marchait en assurant son poignard dans sa main. Lorenzo ne prêtait aucune attention à son compagnon de route ; et pourtant il savait, il sentait que le Nubien l’escortait pour le détenir prisonnier jusqu’au lendemain et l’empêcher de prévenir Giselle ; pour le tuer peut-être ! Il songeait : « Toute