avait parlé si bas que le nain ne put saisir un seul mot.
Il recula alors en s’essuyant le front. Avec la rapidité de l’esprit que talonne l’épouvante, il combina qu’il allait sortir, gagner Meudon, prévenir Giselle. Il s’élança. Trop tard !
"Damnation !" gronda-t-il en lui-même.
En ce moment la porte de Léonora s’ouvrait. Il sentit sur lui le regard de Léonora. S’il fuyait, elle n’aurait qu’à jeter un cri pour le faire arrêter ! Il fallait payer d’audace et gagner du temps. Lorenzo s’arrêta court, et, sans se tourner vers Léonora, employant toute son énergie à se composer un maintien d’indifférence, leva les yeux vers un tableau. Enfin, il se retourna, et alors se déroula cette scène rapide que nous avons relatée à sa place, scène tragique pour Lorenzo, qui eut la foudroyante intuition que Léonora venait de le soupçonner. Or, un soupçon de cette femme, c’était la mort.
Une heure plus tard, Concini et Léonora étaient au Louvre. Belphégor et Lorenzo les avaient suivis et étaient entrés en même temps qu’eux. En route, Lorenzo avait voulu s’écarter. Mais Belphégor lui avait appuyé sa main sur l’épaule et, sans colère, doucement, lui avait dit :
"Ma maîtresse a besoin de vous au Louvre ; je vous préviens que, si vous ne venez pas, je vous planterai mon poignard d’un bon coup dans le dos.
— Je suis pris ! rugit Lorenzo. Elles sont perdues !"
Au Louvre, Léonora avait fait entrer Lorenzo et Belphégor dans une petite pièce voisine de la salle du trône. Puis elle s’était retirée en leur disant de l’attendre là, et en faisant du regard une terrible recommandation au Nubien. Lorenzo surprit ce regard, et demeura impassible en apparence. Alors, il contempla longuement Belphégor qui, debout, près de la porte, plongé dans ses obscures pensées, évoquait dans la nuit de son désespoir la radieuse image de celle qu’il avait tenue un moment dans ses bras, et qu’il n’avait plus revue depuis... Marion Delorme ! Lorenzo s’approcha de lui et le toucha au bras.
"Ainsi, dit-il, nous ne pouvons sortir d’ici ?"
Le Nubien eut un vague geste d’étonnement.
"Ma maîtresse, dit-il, n’a pas défendu de sortir de cette pièce. Mais elle a défendu de sortir du Louvre.
— Ainsi, je puis aller, venir, voir ce qui se passe ? fit Lorenzo en tressaillant.
— Oui, maître, mais je vous suivrai partout. Et je suis décidé à vous empêcher de sortir du Louvre.
— Sois tranquille, mon brave Nubien. Et puis, je serai content que tu sois avec moi. Je suis faible et tu es robuste. S’il arrivait des malheurs, tu pourrais me défendre."
Belphégor approuva d’un signe de tête. Et Lorenzo alla s’asseoir dans un fauteuil, près d’une tenture qui masquait l’entrée d’une autre salle. Il souleva la tenture et vit que cette pièce était vide. Peut-être pourrait-il essayer de fuir par là ? Mais