Richelieu compléta sa pensée par un geste tranchant comme la hache. Cette idée d’une réunion des États fit tressaillir de joie tous les assistants.
"Nous sommes sauvés !" s’écria Marie de Médicis en battant des mains.
Vitry, Ornano et même Concini déclarèrent que cette pensée de profonde politique sauvait en effet le roi et le trône. Louis XIII, d’un signe de tête très bref, approuva. La séance fut alors levée, et on attendit l’arrivée de Guise. Ornano et Vitry allèrent reprendre leur poste à la tête de leurs hommes.
Au moment où Richelieu avait achevé de parler, une tenture de la salle du conseil avait frémi - et une femme qui, placée derrière cette tenture, avait tout écouté, tout entendu, cette femme se recula, s’enfonça dans un couloir. Cette femme, c’était Léonora Galigaï. Et Léonora Galigaï grondait :
"Demain, ce prêtre sera le maître du royaume. Il est temps d’agir, oh ! il est temps !"
Quant au jeune roi, une fois cette décision prise, il passa dans une antichambre, mais se dirigeant vers une vaste salle d’où l’on avait vue sur la place du Louvre :
"Ah ! murmura-t-il, tous ces avis, ce sont des conseils de ministres, de soldats, de prêtres - mais pas un de ces hommes n’a trouvé la solution hardie qui convenait au roi. Pas un ne m’a dit : « Sire, vous êtes le maître ! Et M. de Guise est un rebelle ! Donnez-m’en l’ordre, et je saisis le Guise ! Je le jette à la Bastille où il attendra que le roi ordonne d’instruire son procès ! » Oh ! continua Louis XIII, il y avait dans le monde un homme assez aventureux, assez brave pour tenter un pareil coup d’audace... et je l’ai écarté de moi !"
Ses hallebardiers lui rendaient les honneurs en renversant vers le sol la pointe de leurs armes. Il porta à son chapeau le pommeau de sa cravache. À ce moment, il vit Luynes qui accourait et son visage s’illumina d’un sourire.
"Pends-toi ! fit-il en imitant l’accent gascon d’Henri IV. Pends-toi, brave Luynes. Nous avons tenu conseil, et tu n’y étais pas !
— C’est vrai, sire, mais j’y serai par la morbleu, quand tout à l’heure il faudra daguer la bête !
— Tu crois donc qu’il y aura bataille, mon brave Luynes ?
— Regardez, sire !"
Louis XIII, de son pas nonchalant, s’approcha d’une large fenêtre. Et ce qu’il vit le fit tressaillir. Il se redressa. Une flamme brilla dans ses yeux. D’un geste instinctif, il porta la main à son épée, et d’une voix ardente :
"Bataille, soit ! Ce sera ici ma bataille d’Arques, à moi !"
Une bouffée de pensées chevaleresques montait à son cerveau. Un grand frémissement l’agita. Il se retourna et d’un regard embrassa l’immense salle du trône où il venait d’entrer, solennelle, grandiose, évocatrice de gloire et de magnificence, avec ses grands portraits en pied, héroïque vision de chefs illustres