revêtir de fortes casaques de cuir, ont été armés de pistolets et occupent différents postes stratégiques de défense.
Léonora Galigaï, dans cette immense chambre où nous avons déjà eu occasion d’entrer, est debout près d’une fenêtre, le rideau dans sa main crispée ; ses yeux sont vaguement fixés sur la rue déserte dont toutes les boutiques sont fermées ; mais cette solitude terrible de la rue, cette solitude qu’on voit aux jours de malheur ou de bataille, cette solitude, Léonora ne la voit pas : elle regarde en elle-même. Elle calcule, combine, suppute les chances de Guise. Si le duc réussit dans la tentative insensée que Paris lui impose, Concino est perdu...
Elle espère que Guise, en ce jour, peut être frappé d’une balle que l’émeute lui aura destinée, à elle ! Elle espère que Guise peut succomber tout à coup à quelque mal inconnu !
Oui, oui, Léonora espère en une intervention mystérieuse qui fera disparaître le duc fatal au bon moment ! Mais comment se produira cette intervention ?... Elle ne sait pas ! Oh ! si c’était vrai ! Si Guise disparaissait ! Ce serait le triomphe suprême pour Concino ! Elle a tout préparé. Deux cents gentilshommes achetés à prix d’or ou à force de promesses sont à elle. Dix officiers de la garde du Louvre lui obéissent. Quand elle voudra, elle soufflera sur Louis XIII, et cette faible lueur de royauté s’éteindra pour faire place à la royauté puissante de Concino. Et le regard de Léonora s’enflamme. Le rêve de Guise, c’est elle qui l’éteindra et en fera une réalité ! Le coup terrible que Guise va porter à la royauté, c’est elle qui en profitera.
Un long soupir soulève le sein de Léonora. Elle laisse tomber le rideau. Elle recule. Elle se retourne et demeure stupéfaite, un sourire aigu sur ses lèvres pâles ; quelqu’un est là ! un homme à genoux, qui, au moment où Léonora s’est retournée, s’est prosterné le front sur un tapis.
"Belphégor !" murmure Léonora.
Et ses yeux jettent un éclair. Enfin ! Enfin ! Elle va savoir ce qu’est devenue Giselle ! ce qu’est devenu Capestang ! Elle fait trois pas rapides vers le Nubien et ordonne :
"Relève-toi !"
Belphégor obéit. Léonora l’examine un instant. Le Nubien a maigri. Une sombre tristesse voile son regard de fauve. Lui aussi, une seconde, lève les yeux sur sa maîtresse, puis il baisse la tête, et, d’une voix étrangement calme :
"Maîtresse, dit-il, après ce que j’ai fait, je ne serais jamais revenu ; non par peur d’être condamné par vous : la mort serait la bienvenue ! Mais j’ai vu qu’on vous menace, qu’on veut vous tuer. Alors je suis entré par la porte secrète, je suis venu ici, et puisque je dois mourir, je veux que ce soit en vous défendant..."
Léonora, devant cette fidélité de chien dévoué, devant ce morne désespoir empreint sur le visage noir de Belphégor, n’a pas tressailli. Belphégor lui appartient : il est tout naturel