Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/467

Cette page n’a pas encore été corrigée

Turlupin se rapprocha de Capestang, s’inclina devant lui, et, se redressant, les yeux dans les yeux, murmura :

"Guise ?

— Oui ! fit Capestang dans un souffle.

— Beaucoup de danger ?

— Aucun ! Et beaucoup de gloire : la fortune, peut-être !

— Faites-moi simplement obtenir un privilège pareil à celui de messieurs de l’hôtel de Bourgogne, et je vous tiens quitte du reste", dit Turlupin en prenant son parti, avec cette intrépidité et surtout cet attrait de l’inconnu, du mystère qui l’avait jeté dans les aventures du métier de comédien.

Gautier-Garguille et Gros-Guillaume buvaient, n’en cherchant pas si long.

"Messieurs, dit Turlupin, la pièce de ce gentilhomme me paraît digne d’être jouée.

— Jouons-la donc ! s’écrièrent avec enthousiasme les deux comédiens. Pour quand est-ce ?

— Tout de suite ! dit Capestang.

— Oh ! sans étudier nos rôles ?

— Nous jouerons impromptu, fit Turlupin. D’ailleurs, je présume qu’il n’y a pas grand-chose à dire.

— Mais, reprit Gautier-Garguille, aurons-nous au moins un beau public ?"

Capestang saisit son gobelet, le choqua contre ceux des trois comédiens, le vida d’un trait, puis :

"À votre santé, à votre gloire, messieurs ! fit-il d’une voix qui frémissait étrangement. Un public ? Vous aurez le plus beau que vous puissiez jamais rêver. Ce public-là, messieurs, aura des millions de regards pour vous contempler et vous admirer, ses regards se multiplieront à l’infini, ses bouches seront nombreuses pour célébrer votre triomphe dans la pièce que vous allez avoir l’honneur de représenter !

— Mais, fit timidement Gros-Guillaume, où trouverons-nous une salle assez vaste pour un tel public ?

— La salle est toute trouvée, dit Capestang : c’est Paris ! Et d’ailleurs, messieurs, tout ce public énorme, immense et divers se condense en une seule et même personne, une dame, messieurs, une dame !

— Une dame ! exclama Gautier-Garguille. Et qui est cette dame sublime qui va être à elle seule notre public immense ?

— Elle s’appelle l’Histoire !" dit Capestang.


.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..


Quelques instants plus tard, les trois comédiens dirigés par Capestang, qui avait laissé Fend-l’Air à l’écurie de l’auberge, se dirigeaient en toute hâte à travers Paris endormi au fond duquel, parfois, on entendait de sourds grondements. Ils parvinrent au Grand Henri, où l’aventurier retrouva Cogolin en faction devant la même porte. À la vue des trois comédiens, Cogolin fit la grimace.

"Oh ! grommela-t-il, est-ce que ceux-là viennent partager les écus d’or que