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êtes perdue, madame, s’il vous découvre !"

Giselle demeurait calme comme si ce danger pressant qu’on lui exposait ne l’eût pas menacée elle-même.

"Je puis, dit-elle, me réfugier à Meudon."

Lorenzo secoua la tête :

"Croyez-vous donc que le château de Meudon ne sera pas surveillé aussi bien que cet hôtel ?

— Non, pas dans le château, mais dans une auberge dont la patronne est aveuglément dévouée à mon père, à ma mère et à moi-même. Dame Nicolette mourrait plutôt que de me trahir.

— Vous voulez parler de l’auberge de la Pie-Voleuse ?

— Oui. Les partisans du duc d’Angoulême, alors bien nombreux, ont pu s’y réunir à diverses reprises et le secret fut toujours gardé.

— Alors, vous pouvez, en effet, vous réfugier là, car ce secret valait cent mille livres. Je connais dame Nicolette ; elle aime l’argent et, pour avoir dédaigné cent mille livres qu’elle pouvait gagner en disant un mot, il faut qu’elle vous soit bien dévouée ! Ainsi donc, n’hésitez pas, madame, partez !"

Giselle secoua la tête avec fermeté. Une indomptable résolution se lisait dans son regard.

"Je partirai, dit-elle, mais seulement quand j’aurai retrouvé ma mère."

Et presque aussitôt, sa vaillance l’abandonnant, elle porta sa main à ses yeux pour cacher ses larmes. Son sein oppressé se souleva en sanglots.

"Pardonnez-moi cette faiblesse, reprit-elle. J’aime ma mère non seulement parce que c’est ma mère, non seulement parce qu’elle m’a toujours entourée de son adoration, mais aussi parce qu’elle a été bien malheureuse. Ah ! monsieur, je ne sais si j’ai le cœur trop plein d’amertume et s’il faut qu’il déborde enfin, ou si vous m’inspirez une confiance que je ne m’explique pas, mais laissez-moi pleurer devant vous. Je ne sais quel malheur plus effroyable pourrait me frapper. J’ai souffert lorsque le duc d’Angoulême était à la Bastille. J’ai éprouvé une terrible angoisse lorsque j’ai su qu’il était à nouveau prisonnier. D’autres sentiments qui sont au fond de mon cœur et que j’ose à peine évoquer m’ont aussi fait connaître la douleur ; mais ma mère, monsieur ! Savoir que ma mère, dans l’état où elle se trouve, est peut-être errante, peut-être en butte aux insultes ou, pis encore, à la pitié effrayée que la foule éprouve pour ceux qui ont perdu la raison !... Ma mère, pauvre créature qui n’a su qu’aimer !..."

Les sanglots, de nouveau, interrompirent la jeune fille. Lorenzo, livide et palpitant, regardait couler ses larmes.

"Ainsi, dit-il d’une voix étranglée, vous croyez que votre mère est bien malheureuse loin de vous ? Et vous-même vous êtes bien malheureuse loin d’elle ?

— Je crois, dit Giselle, je crois que loin de moi, ma mère se