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duc d’Angoulême n’étaient plus qu’un douloureux souvenir, où elle devait employer tout son sang-froid, toute son énergie à essayer de sauver son père, de retrouver sa mère, et de se sauver elle-même, elle ne laissait paraître que la compassion qu’elle éprouvait pour son visiteur.

"Madame, dit Lorenzo d’une voix qui lui sembla étrange à lui-même, car cette voix, pour la première fois de sa vie, tremblait d’émotion ; madame, je ne suis pas venu vous rappeler la promesse que vous daignâtes me faire lorsque le hasard, bien plus que ma volonté, vous fit trouver un asile dans ma pauvre maison."

Giselle étonnée l’interrogea du regard.

"Non, madame, reprit-il avec une douceur où il y avait des sanglots, le malheureux qui est devant vous ne peut exiger de vous aucune gratitude. C’est lui, plutôt, qui vous doit encore une reconnaissance éperdue, puisqu’il a suffi de votre passage dans son logis, dans sa tanière, pour le transformer et le régénérer. Je vois que mes paroles vous étonnent, vous inquiètent peut-être. Bientôt, sans doute, vous me comprendrez. Mais, dès cet instant, soyez assurée que vous avez en moi un serviteur qui donnerait volontiers sa vie pour sauver la vôtre. Madame, je suis venu vous donner un avis pressant : cette maison, la maison de la rue des Barrés, vont être surveillées. La maréchale d’Ancre... Ah ! vous frissonnez ! Rassurez-vous ! C’est une vipère qui cherche à mordre, mais je crois avoir trouvé un antidote au poison de sa dent.

— Ces étranges paroles... murmura Giselle en pâlissant.

— Oui ! Tout cela vous étonne. Mais qu’importe comment je sais que Léonora Galigaï veut votre mort, que Concino Concini veut votre déshonneur..."

Un geste souverain de Giselle interrompit Lorenzo.

"Ils peuvent me tuer, dit-elle. Mais on ne déshonore pas une fille de la maison d’Angoulême. Puisque vous savez tant de choses, vous connaissez peut-être la tentative de celui que vous appelez le maréchal d’Ancre. Sa passion détestable a tué la raison de la duchesse ma mère, mais...

— Madame, râla Lorenzo, je vous supplie en grâce, ne me parlez pas ainsi !"

Giselle considéra le nain courbé devant elle et, pour la première fois, un rapide soupçon effleura son esprit. Secouant sa tête comme pour chasser des idées trop effrayantes et trop lourdes, elle reprit :

"Vous dites donc que cet hôtel et la maison de la rue des Barrés vont être surveillés ?

— Oui, madame, dit Lorenzo en reprenant tout son sang-froid. Il faut partir d’ici cette nuit même, et quitter Paris, car je ne connais pas une retraite où les espions de Concini ne parviennent à se glisser. Cet homme est armé d’un redoutable pouvoir. Rien ne se fait, rien ne se dit sans que Concini le sache. Vous