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Tout à coup, Chémant lâcha son épée, tomba sur les genoux, râla un instant, puis s’abattit sur le flanc.

"L’aurais-je tué ? grommela Capestang. Aussi, il n’avait qu’à ne pas m’appeler maraud ! Ma foi, je ne l’ai pas fait exprès ! Hé ! monsieur, ajouta-t-il en se penchant."

Il le toucha à la poitrine, il s’agenouilla et entendit la respiration oppressée du blessé.

"Cogolin, aide-moi. Sortons-le dans ce pan de lumière."

Le blessé fut transporté sur le côté gauche de la rue, inondé en effet par les rayons de la lune. Alors Capestang vit que le cadet avait la cuisse crevée d’un coup d’épée, blessure douloureuse sans doute, puisque le jeune homme s’était évanoui, mais non mortelle. L’aventurier respira.

Comme il se redressait tout joyeux, son regard tomba sur un papier que Chémant avait passé sous son ceinturon. Capestang saisit ce parchemin, le déplia, y jeta un coup d’œil, aperçut le sceau royal et en conclut que c’était l’ordre d’arrestation. Froidement, il le mit dans son pourpoint. Alors il se retourna vers le carrosse, en ouvrit une portière et, sur les coussins, aperçut Cinq-Mars, bâillonné, pieds et poings liés. Le pauvre petit marquis avait perdu connaissance.

Nous disons que Capestang vit le marquis, malgré l’obscurité. En effet, la scène venait de s’éclairer. Voici ce qui se passait. Pendant que Chémant et Capestang ferraillaient, le conducteur du carrosse, comme on a vu, s’était précipité sur Cogolin, occupé à maintenir les chevaux. Ce cocher était une sorte de colosse, choisi exprès pour cette expédition. De plus, très dévoué à Chémant. De plus, courageux à la façon d’une brute qui ignore le sens de vivre. De plus, armé d’une bonne dague solide. Cet homme, donc, sauta à bas du siège, se rua sur Cogolin, le bras levé, et lui porta un formidable coup. Cogolin s’effondra.

"Je l’ai pourfendu !" dit le colosse avec un gros rire.

Il se pencha : Cogolin n’y était plus !

À ce moment, quelque chose lui tomba sur les épaules ; en même temps, il sentit qu’on lui attachait sur le visage un masque - ce ne pouvait être qu’un masque - un masque velu ! - il ne savait quoi de poilu qui lui entrait dans la bouche, dans les yeux, qui l’aveuglait, qui l’étouffait ! Le colosse essaya de se secouer, essaya de rugir ; dans le même instant, la chose ou l’être qui lui était tombé sur le dos se plaça à califourchon sur ses épaules, et le géant sentit dix doigts s’enfoncer dans sa gorge ; la pression s’accentua rudement, quelques secondes, l’homme se débattit, puis il tomba, se raidit, puis se tint tranquille.

Cogolin, voyant venir le coup de poignard, s’était jeté à plat ventre. La peur, une peur exorbitante, le faisait claquer des dents. Et cette peur même lui inspira l’extrême audace des situations désespérées. Il se glissa sous les chevaux. Affolé,