malin plaisir à retenir Louis XIII, un valet le fit entrer dans le cabinet. Le jeune roi était seul.
"Je vous écoute, dit Louis à Richelieu, qui attendait respectueusement une parole du roi.
— Sire, Paris est tranquille. Toute cette tempête s’est dissipée. Si nous avions essayé de tenir tête à la rébellion naissante, qui sait où nous serions aujourd’hui ? Vous voyez, sire, qu’en vous inspirant la bonne pensée de résister aux conseils de la violence, Dieu vous a témoigné une protection visible. Mais ce n’est pas tout. Le ciel, qui veut bien aider ses créatures, veut aussi qu’on s’aide soi-même. Ce n’est pas en vain qu’il a donné aux rois une étincelle de son pouvoir. Le moment, sire, me paraît donc venu d’agir, non pas comme le voulait M. d’Ornano qui a parlé en brave soldat, non pas comme le voulait M. de Luynes, qui a parlé en fauconnier, mais comme eût agi votre illustre et magnanime père : c’est-à-dire avec ruse et force à la fois.
— Bon ! Allez-vous maintenant me conseiller de faire arrêter M. de Guise ? demanda avidement le roi.
— Dieu m’en garde, sire ! Plus tard, peut-être ! Oui, plus tard, vous pourrez employer la force seule. Aujourd’hui, je le répète à Votre Majesté, il faut de la force et de la ruse."
Louis XIII leva sur le terrible conseilleur un regard à la fois candide et soupçonneux.
"Sire, permettez-moi de m’expliquer au moyen d’un apologue. Il était une fois..."
À ce moment, la porte du cabinet s’ouvrit et un huissier annonça :
"Sa Majesté la reine !"
Richelieu se courba dans une profonde salutation. Louis XIII se leva, s’avança au-devant de Marie de Médicis et lui baisa la main. La reine mère entra, majestueuse et froide. Elle demeura debout.
"Ah ! madame, fit l’adolescent, quelle heureuse surprise pour moi de voir ma mère !
— Sire, dit Marie de Médicis - et d’un geste glacial elle arrêta l’élan de son fils. - je suis venue en effet vous faire part d’une aimable surprise que vous fait M. le maréchal d’Ancre (elle s’anima, ses yeux brillèrent), une fête qu’il a trouvé moyen d’organiser dans les jardins du nouveau palais. Ma première dame d’atours m’assure que ce sera merveilleux. Sire, je venais vous prier d’assister à cette fête.
— Une fête chez M. Concini ! fit le roi dont le front se rembrunit.
— Non pas, sire : chez moi ! dit la reine d’un ton sec.
— Et pour quand cette fête ?
— Aujourd’hui même, sire.
— Impossible, madame - et avec une sorte de naïf orgueil : Je travaille aux affaires de l’État.