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vieux volumes à couvercles de bois, ornés de ciselures de cuivre ; ils retraçaient la vie glorieuse des anciens chevaliers errants toujours au service du faible contre le fort. Les héros des « Chansons et gestes » figuraient là : ils furent les modèles du jeune Capestang. C’est dans ces livres qu’il prit le goût de l’épopée.

À quinze ans, il perdit sa mère. M. de Trémazenc, vieux gentilhomme couvert de blessures, qui s’était retiré au castel vers l’an 1608, oublié du roi Henri IV qu’il avait aidé à monter sur le trône, le père de Capestang, donc, pauvre, n’ayant pour toute fortune que le faible bien qui entourait la maison des ancêtres, aigri d’ailleurs, ne voulut apprendre à son fils qu’à manier le cheval et l’épée. Il faut avouer d’ailleurs, qu’il réussit à faire de l’unique héritier de son nom un cavalier accompli et un redoutable escrimeur.

Mais là s'était arrêtée l'éducation du jeune homme. De principes larges, peu scrupuleux, le vieux soldat avait, pour toute morale, enseigné à son fils qu’un jeune chevalier doit faire son chemin, sa trouée à force de courage, et, en attendant l’heure de la fortune, heure qui ne saura manquer de sonner pour vous, ajouta-t-il, prendre son bien où on le trouve. Nous devons ajouter, à la décharge du vieux châtelain de Trémazenc, qu’il ne faisait guère que suivre les coutumes de son temps et de sa caste. Le temps n’était pas encore venu où les jeunes gentilshommes apprenaient autre chose que l’art de tuer galamment son semblable. C’était déjà beau de savoir lire et écrire.

On a vu que le jeune aventurier s'était approprié un costume, un souper, plus un certain nombre de pistoles, représentant exactement la somme qu'il avait perdue dans la bagarre du bois de Meudon, et avec laquelle il devait faire son entrée dans le monde. Sans doute, plus d’un de nos lecteurs l’aura blâmé de cette facilité à prendre son bien où il le trouvait. Mais nous ferons observer qu’il avait, avec une naïve bonne foi, signé une reconnaissance de dette et qu’en outre les circonstances pouvaient passer pour atténuantes.

Ainsi élevé par un père qui se trouvait revenu de bien des idées, désabusé de bien des sentiments, le jeune chevalier était devenu un fieffé coureur de routes, entreprenant, hardi, batailleur, querelleur, redoutable aux maris, toujours un peu débraillé, et conservant néanmoins une élégance, une dignité instinctive qui frappait ceux qui savaient regarder.

Peut-être, eût-on pu lui reprocher une exubérance de geste qui n’était pas du meilleur goût. Il avait une façon de se camper qui sentait son matamore ; quand il tirait l’épée – et il la tirait souvent – il eût pu prêter à sourire à quelque gentilhomme plus au fait des bonnes manières. Il vous avait de ces airs féroces, de ces attitudes de fier-à-bras qui étonnaient. A force de vouloir absolument se modeler sur les héros