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loup : le Balafré, ce jour-là, avait à jamais perdu la couronne. Et cependant que le duc de Guise hésitait, Paris lui criait : « Au Louvre ! »

Vers neuf heures du soir, un homme se fraya un chemin à travers la foule qui piétinait, évoluait, tourbillonnait sur la place de Grève. Nous suivrons l’homme tout empressé qui s’engage dans la rue Saint-Antoine ; avec lui, nous entrons dans un cabaret mal famé - et alors nous reconnaissons l’espion de M. de Richelieu : Laffemas !

Dans ce cabaret, il y avait sept hommes. Six étaient assis autour d’une table, au fond de la salle et jouaient aux dés, frappant du poing, se disputant avec des jurons à faire frémir un reître. Le septième était attablé tout seul près de la porte, devant une mesure d’hydromel.

C’était un grand gaillard osseux et maigre, avec des moustaches terribles et des yeux de braise, une physionomie narquoise et dure. À l’arrivée de Laffemas, il se leva, se découvrit, salua, courbé, son feutre jusqu’aux carreaux.

Laffemas s’assit tranquillement et l’homme prit place en face. Un instant, il se regardèrent. C’étaient deux rudes figures de sacripants - mais le bravo, avec ses airs féroces, était encore une vision de candeur auprès de la physionomie pétrifiée de Laffemas. Alors, à voix basse, tic toc, pif paf, eut lieu cet entretien !

"Tes hommes ? demanda l’espion de Richelieu.

— Ils sont prêts. Vos pistoles ?

— Elles sont prêtes, dit Laffemas.

— Bon ! quand faut-il agir ?

— Tout de suite.

— Tout de suite.

— Bon. Après !

— Il faudra procéder en douceur et ne faire aucun mal à la donzelle. Il faudra la mettre dans le carrosse qui attend au coin de la rue du Petit-Musc.

— Musc ou muscade. Carrosse ou litière. On l’y mettra. Après ?

— Le reste ne vous regarde pas. Si l’un de vous cherchait à savoir où va le carrosse...

— Qu’il aille au diable ! Les pistoles ?

— Ah ! Ah ! fit Laffemas. Moitié maintenant. Moitié après le départ du carrosse.

— Très bien, fit le bravo qui tendit sa large main.

— Où sont tes hommes ? dit Laffemas avec défiance.

— Donnez toujours, par tous les boyaux de saint Pamphile, mon vénéré patron !"

Laffemas sortit de dessous son manteau une bourse de cuir dont il répandit le contenu sur la table. À peine eut-il fait ce geste, que les six du fond du cabaret cessèrent instantanément leurs grognements, leurs jurons et leurs coups de poing, se levèrent comme un seul homme, et d’un même mouvement, se