Une étrange terreur pèse sur Paris. Des bruits sinistres se répandent, pareils à ces grondements du ciel, précurseurs d’orage. Parfois, des bandes hurlantes passent, avec des physionomies d'émeute. Le bourgeois fourbit sa vieille pertuisane du temps de la Ligue. La noblesse est debout pour la reprise de ses privilèges féodaux. Guise conspire. Condé conspire. Angoulême conspire. Luynes veut gouverner. Richelieu veut gouverner. Le trône des Bourbons chancelle et va s’écrouler peut-être.
Et devant ces rafales d’ambitions déchaînées qui s’entrechoquent, il n’y a au fond du Louvre, désert et morne, qu’un pauvre petit roi de quinze ans, tout seul, abandonné, pâle et triste comme le peuple.
Et, comme le peuple, Louis XIII tremble et se demande :
"Qui va devenir le maître ?... Guise ? Condé ? Angoulême ? Qui de vous va poser son pied sur ma tête ? "
Or, peuple, roi, conspirateurs sont unis par une même et vaste haine éparse ; ils frémissent d’une commune épouvante, prêts à se déchirer, ils lèvent les yeux sur la flamboyante figure qui plane sur le Louvre, sur Paris, sur le royaume. Et alors la même imprécation gronde sur toutes les lèvres, depuis le roi jusqu’au manant – excepté sur celles de la reine mère Marie de Médicis. Cette figure, c’est celle d’un homme qui commande, décrète, ordonne, règne, écrase, terrorise. Il est le luxe infernal ; il est la puissance sans limites ; il est l’orgueil sans frein ; il est l’orgie… il est le crime. Il passe comme un de ces incompréhensibles météores qui traversent les espaces historiques en laissant derrière eux un sillage de sang et de feu, puis éclatent et s’éteignent dans quelque suprême catastrophe…