monsieur, et nous allons... Guise ! Guise ! s’interrompit soudain le bourgeois. Vive Guise ! Vive Lorraine ! Mort aux parpaillots ! Mort aux Florentins ! Vive le Grand Henri !
— Guise ! Guise ! – Vive la messe ! – Mort à Concini ! – Mort aux affameurs du peuple ! – Vive le sauveur ! – Mort à l’hérétique ! – Guise ! Guise ! Guise !"
Des hurlements. des vociférations terribles, un tumulte soudain dans cette multitude, des visages convulsés, des yeux flamboyants, des bras tendus au ciel, des mains frénétiques agitant chapeaux, bonnets, ou écharpes, un reflux formidable de l’océan humain qui, de ses flots débordés, déchaînés, vient battre l’hôtel de ville... C’est le duc de Guise qui arrive ! C’est le duc de Guise qui passe, dans la lueur des torches rouges, au milieu d’une resplendissante cavalcade de seigneurs bardés d’acier, couverts de manteaux de fourrures, resplendissant lui-même, souriant, heureux, et songeant sans doute : « Voici mon peuple qui m’acclame !... »
Dans la nuit de cette soirée d’hiver, sous le ciel sombre, chargé de menace et de tristesse, ce fut une flamboyante vision... Des bourgeois marchant en tête, bannières déployées, l’un d’eux portant un immense drapeau balafré d’une croix, le vieux drapeau de la Ligue ! quinze trompettes racolées au dernier moment sonnant une fanfare, cinquante gentilshommes caracolant en faisant des signes au bon peuple, des milliers de têtes aux fenêtres pavoisées, des milliers de torches et de lanternes formant un brouillard rouge dans le brouillard noir, et Guise, Charles de Guise, le fils d’Henri, le Saint, le fils du Balafré, l’héritier de la grande tradition de guerre politique et religieuse, Guise qui salue comme saluait son père, Guise dont un geste soulève des enthousiasmes furieux, Guise qui passe, agrandi par la nuit et par les lueurs, majestueux, aimable, terrible, et devant lui, derrière, autour, au-dessus, une énorme clameur qui condense tous les vivats et toutes les clameurs de mort :
"Au Louvre ! Au Louvre ! Au Louvre !"
Guise pâlit. Sa destinée, la destinée de la France se jouent dans cette seconde. Un instant, d’un geste nerveux, il a arrêté son cheval. Qu’il tourne bride ! Qu’il marche sur le Louvre ! Et c’en est fait ! La dynastie des Bourbons a vécu : c’est la dynastie des Guises qui commence ! À ce moment, à dix pas de lui, une voix éclatante domine le tumulte :
"Voici mille gardes françaises et suisses qui sortent du Louvre !"
Un remous effroyable dans la foule...
" Les gardes ! Voici les gardes !
— Sauve qui peut !"
Guise comprend que s’il reste là une minute, c’est la guerre civile qui commence ! Une guerre dont il ne sortira pas vainqueur,