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Mars, puis une vingtaine de seigneurs des environs, puis la foule des vassaux et paysans… Cette procession se dirigeait lentement vers la chapelle située à l’aile gauche du château, contre le manoir qui dominait l’ensemble des bâtiments. Tous les dix pas, une sorte de chantre criait d’une voix solennelle :

"Priez pour l’âme de haut et puissant baron Louis-Henri Coeffier, seigneur du mont et de la plaine, seigneur de Ruzé, seigneur d’Effiat, marquis de Cinq-Mars !"

Capestang assistait aux funérailles du vieux Cinq-Mars ! Et comme il songeait qu’il arrivait tout exprès pour provoquer son fils, l’aventurier tressaillit jusqu’aux moelles. Cette colère furieuse qui le soutenait depuis Paris l’abandonna brusquement. Il baissa la tête sur le passage du cercueil, s’inclina très bas, et murmura :

"Quoi ! J’apporterais donc dans cette maison visitée par la mort un deuil plus terrible encore que le premier ? Non, non. Dormez en paix, baron Louis-Henri, seigneur du mont et de la plaine ! Et vous, marquise de Cinq-Mars, adieu à jamais. Si vos yeux pleurent, ce n’est pas moi qui aurai commis ce crime !"

Il était pâle, et tremblait convulsivement de la résolution qu’il venait de prendre. Il jeta autour de lui un dernier regard dans le vague espoir d’apercevoir peut-être celle qu’il était venu chercher si loin. Mais il n’y avait plus personne : tout le monde était entré à la chapelle où le vieux marquis devait prendre place près de ses ancêtres au fond de la crypte. Il s’en alla. Comme il allait atteindre la grande porte, un homme le rejoignit, le toucha à l’épaule, s’inclina, et dit :

"Mme la marquise de Cinq-Mars attend M. le chevalier de Capestang. Si monsieur le chevalier veut me faire l’honneur de me suivre, je vais le conduire."

Capestang devint livide. À ce moment, il n’eut qu’une idée : s’enfuir, sauter sur son bon cheval et reprendre au galop le chemin de Paris. Oui, il avait cette idée-là ! Mais lorsque l’homme se mit en route en lui faisant signe de le suivre, il le suivit. Et nulle force au monde n’eût pu l’empêcher de suivre. Il s’invectivait – mais il suivait Lanterne. Car c’était Lanterne qui venait de lui transmettre cette invitation. Il entra quelque part, monta un escalier sans s’en apercevoir, pénétra dans un de ces salons froids et sévères de la province, et, tout étourdi, tout haletant, attendit. Une ombre blanche apparut. D’instinct, écrasé peut-être par l’émotion. Capestang courba la tête ; il se fût mis à genoux. Colères, invectives, reproches, amertume, tout disparut. Il n’y eut plus en lui que l’ineffable étonnement de se trouver près d’elle ! Elle vint à lui, rapide et légère comme un joli oiseau qui court à la lumière. Elle lui prit la main, murmura quelques mots... et Capestang, secoué d’un tressaillement de prodigieuse stupeur,