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Il était environ deux heures de l’après-midi lorsque le chevalier de Capestang sortit de Paris. Un peu avant cinq heures, il entrait à Longjumeau par une pluie battante et mettait pied à terre devant l’hôtellerie du Panier-Fleuri où, trois mois auparavant, il s’était arrêté par une resplendissante journée d’été, la tête pleine de rêves. L’aventurier avait décidé d’aller jusqu’au château d’Effiat, là-bas, au fond de l’Auvergne, et mort-dieu ! de reprocher à l’infidèle... quoi ? que lui reprocherait-il ? Capestang évita toute question embarrassante. Mais il résolut de voir la marquise de Cinq-Mars, de lui parler au plus tôt, de ne pas s’arrêter qu’il ne l’eût accablée de son amertume. Seulement, il ne put résister au désir très fort et très doux de s’arrêter à Longjumeau. Ayant donc mis Fend-l’Air à l’écurie, il se mit à parcourir ses souvenirs à travers l’auberge.

Là, dans ce corridor, Marion Delorme l’avait abordé et lui avait parlé ; là, pour la première fois, il avait vu peser sur lui le regard exaspéré de Cinq-Mars. Et là, dans cette cour, il avait rencontré Giselle ! Une apparition de rêve ! Profondément, tout troublé, il l’avait saluée. Un instant, elle l’avait regardé... regardé dans les yeux. De cette minute-là datait la vie de son cœur.

Depuis, pour elle, il avait risqué sa vie, pour elle, pour son père, pour sa mère, pour tout ce qui pouvait lui être cher, morbleu, il avait soutenu mainte bataille, il avait laissé à gauche, un peu de sa peau et de son sang. Et la récompense ? Elle épousait Cinq-Mars !

L’aventurier dîna de bon appétit, furieusement, férocement : chaque coup de dent était à l’adresse de Cinq-Mars : encore un qu’il avait sauvé, mort-diable ! Puis il se retira dans sa chambre et s’assit devant une bouteille de vin de Saumur, à qui il se mit à raconter sa colère et son chagrin. La nuit était venue. L’un après l’autre, tous les bruits s’éteignirent dans l’hôtellerie. Le silence du sommeil pesa sur les choses et sur les êtres. Capestang avait depuis longtemps vidé sa bouteille et, comme onze heures sonnaient, il se prépara à se coucher.

À ce moment, on gratta légèrement à sa porte. Il ouvrit, et se vit en présence d’une jolie fille très pâle, en proie à une