marquise de Cinq-Mars, qui eux-mêmes... holà, monsieur, qu’avez-vous ?"
Capestang venait de sursauter sur son escabeau ; il s’était dressé, pâle comme la mort ; il avait saisi les poignets de Cogolin, terrifié, et, d’une voix rauque, il grondait :
"La marquise de Cinq-Mars ! Il y a donc une marquise de Cinq-Mars à présent ! Que dis-tu ? Voyons. Répète.
— Lanterne, monsieur, c’est Lanterne qui m’a appris la chose : le père de M. de Cinq-Mars est mourant en son domaine d’Effiat, en Bourbonnais. Alors, M. le marquis et Mme la marquise de Cinq-Mars sont partis."
Capestang lâcha Cogolin, porta une main à son front et fit deux ou trois fois le tour de la salle, d’un pas furieux.
"Marquise de Cinq-Mars ! râla-t-il. Pardieu ! le mariage a eu lieu ! Ah ! Giselle, Giselle ! C’est donc vrai ! C’est fait ! Elle a épousé Cinq-Mars ! Et moi ! moi ! que vais-je devenir ? Oh ! la rejoindre à tout prix, la revoir ! lui reprocher sa duplicité ! Corbacque ! Je lui dirai, je lui prouverai..."
Le malheureux jeune homme s’arrêta tout à coup : un sanglot l’interrompit. Mais bientôt la rage et la jalousie reprenaient le dessus :
"Et j’ai épargné ce Cinq-Mars ! Mort du diable ! Mais gare ! gare !... Quand sont-ils partis ? reprit-il en revenant à Cogolin.
— Il y a juste six jours, monsieur, répondit Cogolin tout tremblant.
— Et tu dis qu’ils allaient à Orléans ?
— À Orléans, d’abord ; puis à Effiat, dans le Bourbonnais.
— C’est bon, va me seller Fend-l’Air !"
Cogolin obéit passivement. Le chevalier se laissa tomber sur un escabeau. A ce moment, maître Garo surgit du fond de la cuisine, son bonnet à la main, salue et dit :
"J’ai entendu monsieur donner l’ordre à son laquais de seller son cheval.
— Eh bien ? fit Capestang, les sourcils froncés.
— Eh bien, dit Garo en saluant très bas, je me permettrai de faire remarquer à monsieur qu’il me doit pour la garde, l’entretien, la nourriture de deux chevaux, soit en paille, foin, avoine, plus quelques barbotages de son pour le cheval de monsieur, plus...
— Te tairas-tu, bourreau ! interrompit le chevalier d’un si rude accent de menace que Garo se colla contre un mur et s’y aplatit de son mieux. Sache que je n’ai point d’argent sur moi, continua Capestang, mais comme je ne puis manquer de faire fortune, tu seras un jour ou l’autre payé au triple. Pour le moment, ne me romps pas les oreilles, ou c’est moi qui t’arrache les tiennes.
— Monsieur, bégaya Garo vert de peur, mais soutenu par son bon droit, vous ne voudrez pas ruiner un pauvre aubergiste.