Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/373

Cette page n’a pas encore été corrigée

"Lui ! murmura Chalabre. Ah çà ! mais, plus on le tue, plus il nous nargue !

— Le Capitan ! fit Bazorges. Oh ! le démon d’enfer !"

Tous deux pâlirent. Mais, se remettant aussitôt de leur émotion, ils se dirent quelques mots. Bazorges rentra en toute hâte dans l’hôtel. Chalabre se mit à remonter la rue, à vingt pas derrière le Capitan !

Arrivé à l’entrée de l’auberge où son cheval avait été mis en garde, notre aventurier vit quatre hommes dans une grande cour, desquels l’un était un valet d’écurie qui faisait trotter un cheval en le tenant à la main, et les trois autres regardaient. Du premier coup d’œil, Capestang reconnut son Fend-l’Air. Du deuxième coup d’œil, il reconnut son écuyer Cogolin et maître Garo, patron de la Bonne-Encontre. Du troisième coup d’œil, il reconnut le personnage devant qui Garo et Cogolin faisaient trotter Fend-l’Air afin de le lui vendre : c’était ce spadassin de Concini qu’il avait éborgné d’un coup d’épée le jour où, dans une salle de l’hôtel d’Ancre, après son entrevue avec le maréchal, il avait failli être assassiné par messieurs les Ordinaires : c’était Pontraille !

Fend-l’Air trottait la tête haute, le genou relevé, la queue en panache, souple, nerveux, superbe. Le valet le ramena devant le groupe formé par Pontraille émerveillé, Garo frétillant et Cogolin lugubre. Pontraille leva les sabots de la bête, ouvrit la bouche, souleva les paupières, passa la main à rebrousse-poil sur le dos de l’animal pour s’assurer qu’il n’était pas chatouilleux, agita son chapeau à plumes devant ses yeux pour s’assurer qu’il n’était pas peureux ; enfin, il se livra à cet examen méticuleux qu’un bon cavalier fait subir à un cheval au moment de l’acheter. Fend-l’Air se prêta docilement à toutes ses fantaisies. Pontraille le fit seller, sauta dessus, le fit marcher, reculer, trotter, galoper sur le pied gauche et sur le pied droit, volter et demi-volter à toutes allures. Enfin, mettant pied à terre devant Garo :

"Voilà, dit-il, une merveilleuse bête. Je la prends, mon brave homme. Vous me conduirez ce cheval demain matin à l’hôtel d’Ancre, et vous y toucherez les cinq cents livres que vous demandez.

— Et qui sont un bien modeste prix pour une telle monture, dit Garo en se frottant les mains.

— D’accord ! fit Pontraille en continuant d’admirer le magnifique animal que le valet ramenait à l’écurie.

— Hélas ! mon pauvre maître, à quelle extrémité suis-je réduit !" murmura Cogolin en essuyant une larme.

A ce moment, parti on ne savait d’où, retentit un coup de sifflet. Fend-l’Air dressa les oreilles, leva le nez au vent, naseaux ouverts, œil étincelant, et se mit à frapper du sabot.

"Allons, hue donc !" fit le valet en le tirant par la bride.

Pour toute réponse, Fend-l’Air se leva sur ses pieds de