sur un signe de Mme Lureau, plongea ses deux mains dans le baquet, et se mit à enduire le crâne de l’infortuné... Cogolin se débattait et criait. Le courtaud frottait. Le crâne, le front, les joues, bientôt, disparurent sous une couche de l’enduit fuligineux ; il en avait plein les yeux, il en avait plein la bouche.
D’une secousse, Cogolin parvint enfin à s’arracher aux mains de son bourreau, tandis que les clients partaient de rire. Il s’essuya les yeux tant bien que mal, et la première figure qu’il aperçut alors fut celle de Laffemas qui, l’ayant reconnu peut-être, le considérait avec une attention soupçonneuse.
"Diable ! pensa Cogolin. Heureusement que je suis changé en Maure. À quelque chose malheur est bon : l’infâme ne me reconnaîtra pas. (À ce moment d’ailleurs, Laffemas disparut vers le fond de la boutique.) Mais, madame, reprit Cogolin en se tournant vers Mme Lureau, ne me reconnaissez-vous donc pas ? Je suis Cogolin, votre ami Cogolin.
— Que dit-il ? s’écria Mme Lureau. Patron ! Holà ! maître Lureau ! voici un drôle qui prétend être l’illustre Cogolin !"
Les acheteurs d’onguent, amusés et croyant à une parade intérieure faisant suite à la parade des tréteaux, firent cercle dans la boutique. Laffemas n’était pas le moins attentif.
"Hein ? Quoi ? Qu’est-ce ? cria Lureau en accourant aux cris de Tabarin.
— C’est ce maroufle, c’est ce pendard qui soutient urbi et orbi, coram populo, qu’il s’appelle Cogolin !
— Mais, mon cher monsieur Lureau, balbutia Cogolin avec un sourire navré, regardez-moi…
— Eh bien ! je te regarde ! Et tu dis ? Voyons que dis-tu ? qu’oses-tu prétendre ?
— Que je suis Cogolin, par tous les diables ! cria l’infortuné, poussé à bout et bouleversé d’indignation.
— Quelle hérésie ! rugit Lureau.
— Quel effronté mensonge ! glapit Mme Lureau. Et, s’armant de bâtons, ils se mirent à frapper à tour de bras, aidés par quelques-uns des acheteurs d’onguent, parmi lesquels le plus acharné était encore Laffemas.
— Grâce ! miséricorde ! vociférait Cogolin.
— Avoue ton nom ! hurlait Lureau.
— Laguigne ! Je m’appelle Laguigne !" sanglota Cogolin.
Roué de coups, moulu, barbouillé de suie grasse, poussé de main en main, Cogolin fut jeté dehors et il disparut bientôt.
"Voilà, pensait Lureau, qui lui ôtera l’envie de venir me demander une part sur les bénéfices de la Catachrèsis !
— Laguigne ! murmurait Laffemas en inscrivant ce nom sur ses tablettes. L’écuyer du chevalier s’appelle Laguigne. Bon. Puisque le maître a reçu son compte, tâchons que le valet reçoive aussi le sien.
— La peste étouffe le misérable Lureau ! rugissait Cogolin