Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/353

Cette page n’a pas encore été corrigée

Elle y avait entendu Richelieu. Elle avait entendu Concini. Elle y avait entendu la reine mère ! Cette voix c’était celle de Marie de Médicis !

La reine ! Là ! Dans ce souterrain ! Avec la Galigaï ! Un monde de pensées terribles évolua dans l’esprit de Marion. Cela dura une seconde, moins d’une seconde ! Car ce que disait la reine, ce qu’entendait Marion chassait l’épouvante et l’horreur premières pour les couvrir d’une horreur et d’une épouvante nouvelles – la reine parlait à Belphégor ! La reine répétait les paroles de mort que lui avaient apprises Léonora ! La reine donnait l’ordre d’attacher et de descendre Capestang, puis de conduire Giselle d’Angoulême devant le cadavre.

Chose étrange ! Mystérieux abîme de l’âme féminine ! Marion Delorme descendue dans cet enfer à la recherche du chevalier de Capestang, Marion Delorme, dont la vie ne tenait qu’à un misérable hasard qui pouvait la faire découvrir, Marion Delorme enfin, qui venait d’acquérir la certitude que Capestang était là et qu’on allait le faire mourir, dans cette minute effroyable, un nom la frappa comme d’un coup de foudre : Giselle d’Angoulême !

Qu’était-ce que Giselle d’Angoulême ? C’était la fiancée de son amant : c’était celle que Cinq-Mars devait épouser, mais cela comptait à peine. Giselle, c’était la jeune fille qui aimait Capestang ! C’était l’aimée du chevalier ! Une frénésie de curiosité s’empara de Marion. Quitte à mourir, quitte à succomber dans une même catastrophe avec celui qu’elle voulait sauver, elle voulut voir l’aimée du chevalier !

À ce moment, un froissement de robes soyeuses lui apprit que Léonora et la reine allaient partir. Elle allait être découverte ! Elle jeta autour d’elle des yeux hagards. Rien. Pas un rideau. Pas un meuble. Rien ! Si ! Oh ! Là ! Cette porte ! Cette porte avec la clef sur la serrure ! D’un bond, Marion Delorme est devant la porte ! Elle ouvre ! Elle entre ! Elle referme ! Dans cet instant, Marie de Médicis et Léonora entrent dans la petite pièce ronde, elles passent... elles s’éloignent... elles sont passées.

Et Marion ? Que fait Marion ? Marion, la porte tirée sur elle, a écouté, haletante, le bruissement des robes qui s’éloignent... puis, quand elle est sûre qu’elles sont loin, les deux femmes terribles... alors, lentement, elle se redresse, inondée de sueur froide, elle se retourne, et elle voit une belle jeune fille qui la considère avec une sorte de fierté, une jeune fille pâle, au visage nimbé par un reflet de souffrances morales, mais aux attitudes d’intrépide dignité. Marion la voit. Et elle ne s’en étonne pas. Et cette jeune fille qu’elle n’a jamais vue, tout de suite, elle la reconnaît ! Elle la contemple. Elle l’admire. Des pensées contradictoires et violentes se heurtent dans sa tête. Pourquoi la sauverait-elle ? Pourquoi la donnerait-elle au chevalier de Capestang ? Que lui importe