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Elle n’avait pas peur. Elle agissait comme en rêve. Dans sa tête, il n’y avait que le bourdonnement sourd et terrible des paroles qu’elle avait surprises, de ces quelques paroles qu’avait prononcées la dame au masque rouge.

Un moment, elle se leva et, de l’autre côté du grand miroir, en face, elle vit un vaste placard que, d’abord, elle n’avait pas remarqué. Jugeant qu’elle y serait mieux cachée, elle allait s’y diriger, lorsqu’elle demeura clouée sur place. Dans la chambre voisine, dans la chambre de Léonora, elle venait d’entendre un léger bruit, le froissement soyeux d’étoffes qui marchent, le glissement à peine perceptible de pas légers. Presque aussitôt, la porte s’ouvrit. Dans la chambre de toilette, il y eut les mêmes glissements. Marion se sentit pâlir. Son sang reflua à son cœur...

Ces deux femmes qui étaient là, c’étaient Léonora Galigaï et la dame au masque rouge. Elles passèrent, silencieuses comme des spectres – et puis il n’y eut plus rien qu’un silence plus profond, plus funèbre, où Marion n’entendait que les battements terribles de son cœur affolé. Elle osa se pencher et regarder. Les deux spectres avaient disparu. Par où ?

Marion frémit de terreur ; les deux mystérieuses passantes avaient disparu par le placard, où l’instant d’avant elle avait voulu se réfugier ! Marion sortit de son sein un petit poignard qui ne la quittait jamais marcha droit au placard, et vit là une porte qu’elles avaient laissée ouverte pour le retour. Là commençait un étroit escalier qui semblait creusé dans l’épaisseur des murs.

Marion s’y engagea et elle aboutit à la cour, à la petite courette que Léonora et sa compagne venaient de quitter. Marion ne réfléchissait plus Elle ne vivait plus. Elle allait, poussée par une force. Elle vit l’ouverture, elle s’enfonça dans la cave, parvint au bahut, guidée par le méandre du sentier lui-même à travers l’entassement des vieux meubles pourris ; elle s’enfonça dans le bahut, commença à descendre, presque sans prendre de précaution ; au bas de l’escalier, la petite lumière pâle qui avait guidé Léonora la guida elle-même et elle arriva, enfiévrée, exorbitée, transportée dans une action de cauchemar, dans une vision de choses irréelles, elle arriva à une sorte de pièce ronde.

Là, il y avait une porte demeurée entrebâillée. Derrière cette porte Marion entendit des voix, ou plutôt une voix !

Ce frisson d’exorbitante terreur qui, dans cette soirée, avait agité déjà Marion, la secoua encore. Qu’était-ce que cette voix autoritaire ? Où avait-elle entendu cet accent de menace et de crainte ? Pourquoi ce zézaiement, évoquait-il en elle un souvenir ? Dans une soudaine, une aveuglante lumière qui se fit en elle, la vérité lui apparut : un jour, elle qui voulait connaître Paris en toutes ses manifestations, elle avait pu s’introduire dans une séance solennelle du Parlement.