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"Descendre ! râla le jeune homme. Où vais-je descendre ? Comment vais-je descendre ? Pourquoi vais-je descendre ? Que signifie ici le mot descendre ?"

A ce moment, la planchette entra en mouvement. Le chevalier se sentit frémir jusqu’aux moelles, il s’arc-bouta des reins et de la tête et des pieds dans un frénétique effort, il sentit ses muscles se tendre comme des cordes, il entendit craquer ses nerfs, mais le formidable effort fut vain : pas un des solides anneaux ne céda : ses chevilles, ses poignets, ses coudes, ses genoux, son cou demeurèrent invinciblement saisis, il demeura incorporé à la planchette, et il comprit qu’il commençait à descendre. Il crut le comprendre, il s’affirma que la descente commençait. Mais le spectre de l’Horreur accroupi sur son cerveau lui disait :

"Attends ! Attends ! Ce n’est pas encore cela ! Tu ne commences pas encore à descendre !"

Capestang avait une rude volonté, une force d’âme tout à fait anormale, une intrépidité d’esprit dont il s’était donné à lui-même mille preuves éclatantes, une endurance de la chair qui parfois, quand il était libre sous le soleil, lui avait fait dire avec un sourire d’orgueil : « Je suis bâti de fer et d’acier. » Cette volonté, cette force d’âme, cette endurance, il les employa à se dire : « Je n’ai pas peur ! Je ne veux pas avoir peur ! Je n’aurais pas peur ! »

Le mouvement de la planchette était lent, uniforme, il avait la douceur de l’inexorable. La planchette s’écartait du pilier de fer. Elle évoluait sur deux énormes charnières. Elle s’en écartait par le haut ; mais le bas demeurait soudé au bourrelet que nous avons signalé. La planchette décrivait donc sur sa base un arc de cercle.

Il en résultait que la tête de Capestang décrivait la même ligne courbe, tandis que ses pieds demeuraient à peu près au même point. Il en résultait aussi que la planchette, de la position verticale, passait sans secousse à la position horizontale. Il en résulta enfin que Capestang finit par se trouver placé dans une position parallèle au plancher de la salle, face à ce plancher, et à un pied à peine de ce plancher. La planche de fer ayant pris la position horizontale, et Capestang le dos à la planche et face au sol de la salle maintenu par les neuf anneaux, il y eut un arrêt.

"Je n’irai toujours pas plus loin que le plancher !" songea Capestang.

Dans la seconde où il se disait cela, la Peur entra en lui. La Peur fit irruption dans son esprit, dans son âme, dans tout son être. Il se sentit frissonner comme jamais dans sa vie il n’avait frissonné. Le plancher, ce plancher au-delà duquel il ne pouvait aller plus loin, le plancher de la salle s’ouvrait ! Le plancher se mettait en mouvement et se reculait, se