Et à ce titre de connétable de nos armées, il conviendra d’ajouter celui de lieutenant général de notre royaume."
Un murmure flatteur accueillit cette nomination, car c’en était bien une. Guise salua d’un air froid. Il était évident qu’il avait espéré autre chose de cette assemblée.
"Quant à mon illustre compétiteur le prince de Condé, continua le prince d'Auvergne [1], il me semble que rien ne saurait mieux récompenser son désintéressement (il y eut de furtifs sourires dans cette réunion qui connaissait l’avarice de Condé), que le gouvernement général de la Gascogne, de la Guyenne et de la Navarre, avec pleins pouvoirs civils, militaires et financiers."
À ce dernier mot, le visage du prince de Condé s'éclaira d'un sourire blafard. Il salua et tout aussitôt parut se plonger dans une méditation profonde. Il digérait le morceau royal qu’on venait de lui jeter et calculait le rendement probable des impôts dans les provinces qu’il aurait à gouverner.
"Quant à vous ducs, comtes gentilshommes qui, avec moi, rêvez de relever le prestige de la noblesse française, je ne vous promets rien parce que vous avez droit à tout. Je ne veux rien être que le premier gentilhomme du royaume et l’exécuteur de vos désirs. Que chacun de vous, donc (un profond silence ; on eût entendu la respiration des appétits qui soulevaient ces vingt poitrines), que chacun, à notre prochaine assemblée, me remette la liste de ses volontés pour lui et les siens : je dis ses volontés ; d’avance, je les ratifie."
Pour le coup, les applaudissements devinrent frénétiques.
"Il pleut des couronnes, fit Capestang en lui-même, des spectres, des sacs d’écus, des épées de connétables, des gouvernements, c’est la manne dans le désert, c’est l’ondée sur la terre altérée ; si je demandais quelque chose, puisqu’il n’y a qu’à demander ? Que demanderais-je bien, voyons ?"
"Messieurs, continuait le comte d’Auvergne, voici donc terminée par votre décision la querelle qui nous divisait, mes cousins de Guise, de Condé et moi. Je prends ici l’engagement solennel de respecter les droits et privilèges de la noblesse. Le comte d’Auvergne, messieurs, a trop souffert de l’arrogance royale pour qu’en montant sur le trône Charles X oublie que sans vous le pavois n’a plus d’appui et s’effondre. Vous criez : « Vive Charles X ! » Je crie : « Vive la noblesse ! » Et ce sera l’idée de mon règne… Maintenant, dispersons-nous. A notre prochaine assemblée, qui aura lieu dans Paris, le 22 août, en mon hôtel, je vous indiquerai les mesures prises en notre conseil secret pour faire aboutir enfin nos résolutions. Souvenez-vous que de graves périls nous restent à courir. Nous devons d’abord nous débarrasser de l’intrigante Marie de Médicis ; puis de ce pleutre qu’on nomme Concino Concini, puis de cet oiseleur, de ce misérable fauconnier qui finirait par détenir la fortune du royaume si nous n’étions là…
- ↑ Nouvelle promotion surprenante du comte d'Auvergne...