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jambes. Mes bras sont de plomb. J’ai mangé et bu comme d’habitude. Holà ! mais je m’affaiblis, corbacque !"

D’un vigoureux effort, il surmonta l’étourdissement qui venait de le faire vaciller.

"Ah, si ce démon noir entrait maintenant ! Comme je me soulagerais en lui serrant sa vilaine gorge passée à la suie !"

Comme il pensait ceci, Belphégor entra. Capestang poussa un rugissement et se leva pour s’élancer ; mais tout aussitôt retomba, il voulut tout au moins se soulager par une belle bordée d’invectives ; mais ces jurons, si bien sentis qu’ils fussent, il dut se contenter de les penser : quant à la langue, elle était comme paralysée ! Belphégor lui prit la main, souleva le bras, puis lâcha : le bras retomba pesamment.

"Bien ! murmura le Nubien qui s’en alla tranquillement comme il était entré.

— Bien ! rugit Capestang dans sa pensée. Le misérable trouve que c’est bien ! Attends un peu, scélérat, attends que les forces me soient revenues, et tu verras si c’est bien ! Ah çà, que se passe-t-il dans ma tête ? Il me semble que j’entends comme une musique très lointaine. Oh ! voici le sommeil qui vient. Quel sommeil ! Je crois que je vais dormir huit jours de suite, ah ! dormir ! si je pouvais dormir !"

Et il ne le pouvait pas ! Il éprouvait un insurmontable besoin de dormir et il ne s’endormait pas. Ses mains, bientôt se glacèrent. Des bruits étranges, réels ou imaginaires, emplirent sa tête, une stupeur paralysait sa pensée, puis il entendit comme des voix chuchotant derrière cette porte qu’il n’avait pu défoncer, tout ce qui restait de forces, par une prodigieuse volonté, se concentra dans son oreille ; il écouta, et il entendit ! il parvint à entendre ! il entendit une voix, et brusquement, l’horreur fit irruption dans son âme, car la voix disait :

"Tu prendras le chevalier de Capestang, TU L’ATTACHERAS À LA PLANCHETTE, ET TU LE FERAS DESCENDRE..."


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Non par paroles, car il ne se sentait la force d’en prononcer aucune, mais par sa pensée affolée, bégayante, prise de vertige, le chevalier de Capestang se dit :

"Il me prendra ? Il m’attachera à la planchette ? Il me fera descendre ? Qu’est-ce que la planchette ?... DESCENDRE !... OÙ ?..."

A ce moment, Belphégor entra ! Le Nubien s’en vint droit à Capestang, le prit par la main, et lui dit :

"Venez."

Le jeune homme se raidit. L’effort de résistance qu’il déploya eût brisé des chaînes s’il eût été enchaîné par les membres. Mais c’était son être entier qui était enchaîné. Chaque muscle, chaque nerf, chaque fibre, tout en lui était réduit à l’impuissance. Il se raidit de toute sa puissance. En réalité, il crut