rouge ? Eh bien, elle va donner un ordre. Tu lui obéiras comme à moi-même."
Le Nubien s’inclina profondément devant la reine et mit la main sur son cœur.
"Que fait le prisonnier ? reprit Léonora.
— Simple, doux comme un agneau…
— Il a donc bu ?
— Oui. Voici un peu plus d’une heure. Et depuis je suis entré chez lui sans qu’il ait fait un mouvement. On pourrait le mener à l’abattoir. Il ne s’en apercevrait pas."
Léonora se tourna vers Marie de Médicis et lui dit :
"Il est temps…
— Belphégor, dit la reine, m’obéiras-tu, quel que soit l’ordre ?"
Le Nubien eut un sourire terrible et gronda sourdement :
"Oui, puisque ma maîtresse l’a dit !"
Marie de Médicis eut une dernière lueur d’hésitation. Son regard froid troubla. La sueur pointa à la racine de ses cheveux. Elle esquissa rapidement un signe de croix puis, comme répétant une leçon, elle prononça :
"Écoute donc, Belphégor : Tu prendras le chevalier de Capestang c’est-à-dire le prisonnier, pendant qu’il est sous l’influence de l’élixir qu’il a bu. Tu l’attacheras à la planchette. Et tu le feras descendre."
Une sorte de rugissement de terreur gronda sur les lèvres du Nubien, qui leva sur Léonora des yeux égarés. Mais Léonora ne regardait ni Belphégor ni la reine : elle voulait n’avoir en rien participé à l’ordre de mort. Marie Médicis continua :
"Quand il sera mort, tu le porteras sur son lit. Alors, tu iras chercher Giselle d’Angoulême, c’est-à-dire la prisonnière, tu l’amèneras dans la chambre du mort sans lui faire aucun mal, tu la mettras en présence du cadavre et tu t’en iras en fermant la porte."
Le Nubien haletait. Pourtant, il se courba et murmura :
"J’obéirai !"
Léonora, alors, le regarda avec une sorte de douceur et posa sa main sur le bras nu de Belphégor :
"Allons, fit-elle, dans deux heures tu seras délivré, mon brave serviteur. Et songe que ta récompense pour ces quelques jours d’ennui sera telle, que tu n’auras jamais plus besoin de servir personne."
Le Nubien secoua la tête. Et Léonora vit alors qu’il y avait comme du désespoir dans ses yeux.
"Il n’y a qu’une récompense que je désire, gronda-t-il. Mais ni vous, ma souveraine maîtresse, ni personne au monde, ne peut me la faire obtenir.
— Qui sait ?" fit Léonora avec un sourire enchanteur.