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enfer des démons condamnés à rire. Je riais comme un de ces démons. Car ce que je voyais, c’était l’horreur elle-même, et je sentais mes cheveux se dresser."

Et Lorenzo, d’une voix plus basse, ajouta :

"En effet, c’étaient deux fantômes que j’avais devant moi. Le spectre de l’infamie. Le spectre de l’épouvante. Jamais je n’ai vu de visage humain plus convulsé que celui du marquis dans cette minute où sa main s’abattit sur l’épaule à demi nue de la dame blanche. Et jamais je n’ai vu un visage exprimer plus absolument l’horreur que celui de cette femme. Tout à coup, madame, le marquis recula. Il lâcha prise, et je vous dis qu’il recula jusqu’au milieu de la chambre. Que lui arrivait-il ? Simplement ceci, madame, qu’au moment où sa main touchait l’épaule de celle qu’il voulait emporter, la dame me regarda un instant. Et dans cet instant terrible, je vis sa figure se modifier. L’harmonie des traits se brisa. Et la dame blanche éclata de rire, d’un rire que j’entendrai toute la vie, d’un rire tout pareil à celui qui me secouait moi-même, écho funèbre d’un rire de damné, et j’entendis le marquis murmurer d’une voix d’épouvante : Folle ! C’était vrai, madame : la dame blanche était devenue folle. Le marquis recula, comme je vous l’ai dit. Il enjamba la fenêtre et disparut. Et moi, hagard, les cheveux hérissés, je courus aussi à l’échelle ; et me mis à descendre, et là-haut, j’entendais toujours ce rire de la folle qui me glaçait. Je me jetai hors de l’hôtel. Et je m’enfuis."

Lorenzo, avec une sorte de tranquillité, acheva :

"La dame blanche, madame, s’appelait Violetta, duchesse d’Angoulême. Quant au marquis, eh bien ! c’était le marquis d’Ancre, votre illustre époux."

Léonora n’eut pas un tressaillement, soit qu’elle eût déjà deviné les noms des personnages qui s’agitaient dans le récit de Lorenzo, soit qu’une infidélité de plus chez Concini ne fût pas pour l’émouvoir, soit enfin qu’elle fût assez maîtresse de ses sensations pour n’en rien laisser paraître.

"Ainsi, dit-elle sourdement, Concino a aimé la mère avant d’aimer la fille !

— Et n’ayant pu avoir la mère, il veut la fille", dit Lorenzo.

Le nain leva les yeux sur Léonora Galigaï comme pour juger l’effet que son récit avait pu produire sur elle. Mais elle était impénétrable. Si son cœur était déchiré, si elle éprouvait quelque vertige de jalousie à la pensée que Concino avait aimé la mère comme il aimait la fille, elle seule eût pu le dire. Seulement, elle demanda :

"Est-ce tout Lorenzo ?

— Non, madame, dit le nain. Tout ce que je viens de vous dire n’est rien, si je ne vous dis pas la fin. C’est un tableau qui pour vous demeurera dans l’ombre si je ne l’éclaire. Voici maintenant la lumière. Écoutez ! Giselle d’Angoulême, fille de