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appréciables au grand œuvre. Dans ma joie et dans ma hâte de tenter une application des formules, je ne pus me résigner à attendre d’être revenu à Paris, je louai une petite maison à Orléans et me mis au travail. J’ignore comment le bruit se répandit qu’il y avait un sorcier à Orléans Mais le neuvième soir de mon arrivée en cette ville, une nuit que mes fourneaux flambaient et que je me penchais sur mon creuset, ayant oublié le reste du monde, cette nuit-là, dis-je, mon logis fut envahi par une foule furieuse qui poussait des cris de mort. J’eus à peine le temps de me mettre en défense. Cette troupe ignorante et féroce se rua sur moi. En quelques instants, je fus à demi assommé, percé de coups. J’eus pourtant la force de m’enfuir en sautant par une fenêtre. Poursuivi, serré de près, affaibli par mes blessures, je courais au hasard et déjà je sentais le froid de la mort glisser dans mes veines, un brouillard flottait devant mes yeux, à quelques pas derrière moi j’entendais les hurlements de la meute, j’allais mourir ; une porte, tout à coup, s’ouvrit. Une femme apparut. Je tombai évanoui aux pieds de cette femme. Et lorsque je me réveillai, je me vis dans un bon lit, dans une chambre élégante et bien pourvue de meubles très riches."

Lorenzo se mit à rire avec une telle amertume que Léonora en eût comme un frisson de terreur.

"Et il y a des gens, fit-il, qui nient encore que les destinées des humaines se croisent selon les lignes voulues et tracées par une force mystérieuse et toute-puissante !

— Ce n’est pas moi qui le nie, mon bon Lorenzo, dit Léonora.

— Oui, vous êtes croyante parce que vous êtes douée d’une haute intelligence. Vous laissez au vulgaire la négation vulgaire. Écoutez, signora : cette maison qui s’était ouverte pour moi, c’était un des plus beaux hôtels d’Orléans qui en compte de si beaux et de si nobles. Cette femme qui m’avait sauvé, c’était la maîtresse de cet hôtel. Et telle était la vénération du peuple pour cette dame qu’elle n’avait eu qu’un signe à faire pour arrêter la fureur de ceux qui me voulaient tuer et la changer en pitié.

— Qui était cette femme ? demanda Léonora avec plus que de la curiosité. Et comment, ajouta-t-elle, lente et pensive, comment tout cela se rattache-t-il à la destinée de Concino ?

— Vous allez le savoir. Pendant douze jours, je fus soigné par les gens de la dame blanche : je l’appelais ainsi parce qu’elle s’habillait de velours blanc. Elle-même venait une fois par jour s’enquérir de mes besoins et de ma santé. C’est ainsi que je remarquai sa douceur, sa bonté, et surtout cette pesante tristesse qui semblait jeter un voile funèbre sur sa vie. Le treizième jour, j’étais guéri. Je pus sortir pour m’exercer à la marche. Et je résolus de partir le lendemain. A peine fus-je dehors que je me heurtai à quelqu’un qui paraissait étudier