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roulaient des larmes silencieuses. Il secoua violemment la tête.

"Je te jure que tu la reverras ! répéta Léonora Galigaï.

— Quand ! haleta Concini.

— Dans trois jours.

— Où ! râla Concini.

— Ici ! dit Léonora. Et dans trois jours, ici, tu reverras le chevalier de Capestang.

— Trois jours ! Trois jours encore ! gronda Concini, la tête dans les mains. Et pourtant, elle est sincère. Je le vois. Elle ne me trompe pas. Trois jours ! ajouta-t-il avec une sorte d’ivresse sauvage. Trois jours encore, et mon amour, ma haine, tout ce qui fait ma vie... qui sait si j’aurai la force de vivre, jusque-là ? Si je ne me serai pas tué avant !"

Il s’arrêta haletant. Depuis un mois, Concino Concini avait bien changé. Il n’était plus que l’ombre de lui-même. À tel point que la « maladie de M. le maréchal ! » faisait le sujet de toutes les conversations à la cour et à la ville. Concini se mourait de rage… La disparition successive de Giselle et de Capestang lui avait porté un coup terrible. Capestang, en effet, dès le jour même où il avait été emporté dans l’hôtel, avait disparu sans que ni Concini ni aucun de ceux qui le surveillaient eût pu savoir ce qu’il était devenu. Seulement, Léonora avait dit au maréchal :

"Je tenais déjà Giselle ; j’ai voulu tenir aussi Capestang. Lorsqu’il en sera temps, vous les reverrez tous les deux."

Cependant, Léonora ne pleurait plus. Par un prodige de volonté, elle arrivait à se donner une physionomie presque indifférente, alors que les passions déchaînaient des tempêtes dans son esprit et dans son cœur. Elle jeta sur Concini un sombre regard de pitié.

"Je t’ai fait venir, dit-elle. Tu vas savoir pourquoi. D’abord Marie est sur le point de t’abandonner...

— Que Marie de Médicis fasse, dise, tente ce qu’elle voudra. Peu m’importe. J’ai assez de cette hypocrite comédie que je joue près d’elle. Je veux vivre enfin, ne fût-ce que quelques jours ! Ah ! vivre ! Me laisser vivre sans être forcé de sourire ! Sans subir les baisers de cette femme que j’exècre !"

C’est à sa femme ! C’est devant celle qui s’appelait marquise d’Ancre qu’il avouait, proclamait l’adultère !

Il ne gardait même plus ce masque conventionnel de respect, et ils étaient dans une si monstrueuse minute de vérité, ils venaient de se placer si en dehors de toute convention que Léonora ne s’étonnait pas de cet excès d’imprudence. Avec une formidable tranquillité, elle reprit :

"Oui, mais tu te feras assassiner, mon Concino. (Il tressaillit, jeta des yeux hagards autour de lui.) Et moi, je ne veux pas que tu meures ! Car je t’aime, moi ! Écoute, si Maria