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Ces pensées agitaient cet adolescent de quinze ans et le remplissait d’orgueil. Il était pareil à ces enfants à qui on vient de remettre un jouet compliqué et qui s’étonnent de le voir fonctionner lorsqu’ils poussent un ressort, et s’émerveillent du résultat sans comprendre le mécanisme. Louis XIII contemplait Capestang avec la même reconnaissance admirative de l’enfant pour celui qui lui a apporté le jouet.

"Tout d’abord, fit le roi, parlez-moi de cette compagnie de cinquante gardes que mon cousin de Condé avait réussi à armer, d’après ce que M. de Luçon est venu nous dire dans la soirée.

— Tenez, sire, dit Capestang, j’aime mieux vous raconter les choses telles qu’elles se sont passées depuis le moment où, rue de Vaugirard, j’ai rencontré Cogolin.

— Cogolin ? Qu’est-ce que Cogolin ?

— Mon écuyer, sire. Eh bien, donc, voici l’histoire depuis son début. Cela se passe, sire, dans une pauvre auberge de la rue de Vaugirard, qui...

— Attendez, chevalier ! interrompit tout à coup Louis XIII qui frappa du marteau sur un timbre, à trois reprises. Peut-être serons-nous mieux, pour raconter et écouter, dans la salle à manger."

Louis XIII, depuis un instant, cherchait quelle preuve d’amitié il pourrait bien donner au chevalier qu’il avait humilié du nom de Capitan et qu’il voyait tout embarrassé comme s’il lui eût gardé quelque rancune. Le signal que venait de donner le roi correspondait sans doute à un ordre habituel et déjà connu, mais ce soir-là, l’ordre fut interprété avec une magnificence spéciale. En effet, au bout de quelques minutes, la porte s’ouvrit à double battant, et Capestang effaré vit entrer un officier en grande tenue, l’épée au poing, qui cria :

"Les viandes de Sa Majesté !"

Derrière l’officier, quatre hallebardiers. Derrière les hallebardiers, quatre officiers de la bouche portant une table. Derrière la table, quatre autres hallebardiers. Les officiers de la bouche déposèrent la table au milieu du cabinet. Les hallebardiers se rangèrent le long des murs où ils s’immobilisèrent, pareils à des cariatides. La table supportait, par-dessus sa nappe éblouissante, les couverts étincelants, les gobelets d’or, deux candélabres à six flambeaux de cire, des flacons de cristal où rutilaient les rubis des vieux vins de Bourgogne et toute une variété de plats recouverts de leurs cloches d’argent.

Capestang demeura stupéfait de cette fastueuse mise en scène, et, involontairement, le souvenir s’évoqua en lui de cette caisse renversée sur laquelle, au fond du grenier, Cogolin lui avait servi un de ces succulents jambons qui doublent l’appétit et triplent la soif. Pourtant, comme il avait grand-faim, il jeta un regard d’envie sur la splendide table, renifla les parfums qui s’en