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"Où est ma mère ? interrompit Louis XIII qui écoutait à peine.

— Sa Majesté la reine est avec ses femmes. Je viens de la saigner. Et d’ailleurs, il y a cent arquebusiers massés dans ses appartements. Je vous disais donc, sire, que les fumées de cette nicotiane dissiperaient peut-être ces humeurs noires qu’on voit à Votre Majesté, car...

— Où est Luynes ? fit Louis XIII d’une voix d’angoisse terrible.

— Sans doute en son hôtel, sire. Cependant, si Votre Majesté préférait être saignée ? Je vous vois bien sombre, sire, et je crois..."

Hérouard tirait déjà sa lancette. Le jeune roi se tourna vers lui, et, avec une rage froide :

"Allez au diable, vous, votre nicotiane et votre saignée. Si je dois mourir aujourd’hui, ne puis-je au moins mourir en paix !"

Hérouard fit une profonde révérence, rengaina sa lancette, sortit à reculons, et passa dans les antichambres où le capitaine des gardes Vitry avait disposé cinquante arquebusiers prêts à mourir pour le roi et la monarchie.

"Je crois, dit Hérouard à Vitry, que le roi est bien malade : il refuse de se laisser saigner !

— Hérouard, répondit Vitry, je crois bien que d’ici une heure, nous serons tous aussi malades les uns que les autres, et tous plus saignés les uns que les autres...

— Quoi ! balbutia Hérouard. Que se passe-t-il ?

— Oh ! vous êtes donc sourd ! Écoutez, écoutez !"

Une rafale de hurlements passait sur le Louvre... le soir tombait... les vastes salles, peu à peu s’emplissaient de ténèbres, et, parmi cette ombre qui envahissait l’immense demeure, on distinguait vaguement dans les antichambres et le long des escaliers les silhouettes des gardes immobile appuyées sur leurs arquebuses, attendant le moment de la suprême bataille qui allait se livrer au pied même du trône.

"Seul ! Tout seul !" murmura Louis XIII en se jetant sur un fauteuil.

Il prit sa tête pâle à deux mains et s’enfonça dans une sombre rêverie essayant maintenant de ne plus entendre ces tocsins qui sonnaient le glas de la monarchie. Il avait près de lui, dressée contre une chaise, son épée nue. Sur le marbre d’une table étaient déposés deux pistolets : le petit roi avait fait lui-même ses préparatifs de défense... et il attendait... et, la tête dans les mains, il songeait :

"Dans une heure, dans quelques minutes, peut-être, tout sera fini ! le Louvre sera envahi. On mettra la main sur moi ! Oui, mais alors, je tue autant que je puis tuer, et puis je meurs ! Mourir à quinze ans ! Ah ! s’il était là, héros dont le regard me donnait la fièvre de gloire, dont la voix retentissait