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Condé frémissait. Capestang souriait : ils savaient ce qu’elle était devenue, la compagnie de gardes !

Quelques instants plus tard, ils débouchaient dans la rue Dauphine, et, au bout de la rue, devant le Pont-Neuf. Là, il y avait un barrage de bourgeois armés d’arquebuses qui criaient :

"C’est l’heure ! La compagnie des gardes va arriver ! Nous allons marcher sur le Louvre ! Vive M. le prince ! Vive Condé !"

Capestang s’avança vers le pont, pensant qu’il passerait sans difficulté.

"Halte-là ! Qui vive ! crièrent les bourgeois.

— Malédiction ! gronda Capestang en essayant de reculer.

— Halte ! vociférèrent les bourgeois. Halte et répondez. Qui vive !

— Condé !" hurla Capestang. Le mot jaillit tout seul de ses lèvres crispées.

Ce fut un de ces éclairs soudains, imprévus, qui illuminent une situation. Le mot tonna dans sa tête et fit explosion sans qu’il l’eût cherché. En même temps. Capestang harponnait le prince au bras, et, d’un geste rapide, lui montrait son pistolet ! En même temps, il marchait sur les bourgeois et entraînait Condé stupéfait, vacillant, incapable d’un geste ! En même temps, le barrage des bourgeois s’ouvrait ! Les bourgeois criaient :

"Passez, braves gentilshommes ! Vive Condé !"

Et tout à coup, parmi eux, ce fut une rumeur, puis des clameurs qui éclatèrent, puis une bousculade pour mieux voir, puis un long hurlement de triomphe :

"Le prince ! – C’est le prince ! – Vive le prince ! – Vive Condé !

— Au Louvre ! hurla Capestang d’une voix de tonnerre.

— Au Louvre ! au Louvre ! Vive le prince ! Condé !"

Un bourgeois avait reconnu Condé. Puis deux ! Puis dix ! Et maintenant cette foule armée se rangeait derrière Capestang, qui marchait à grand pas et qui, se penchant vers le prince, murmurait :

"Monseigneur, si vous voulez, nous allons laisser ici tous deux notre peau ! Mais vous d’abord ! Obéissez, monseigneur, ou je vous tue comme un chien. Criez : « Mes amis, au Louvre ! »

— Mes amis ! mes amis ! cria Condé, au Louvre !

— Au Louvre ! Au Louvre !" répéta la voix furieuse et grondante de l’émeute.

Alors s’accomplit cette chose inouïe, fantastique, drame et comédie : Condé prisonnier de Capestang et, malgré lui, conduisant l’émeute ! la conduisant au Louvre ! Les clameurs échevelées battaient des ailes cette foule délirante. Les tocsins sonnaient à toute volée. Condé marcha comme il