Capestang ne répondit pas. Fiévreusement il comptait les costumes, puis les arquebuses et les piques.
"Cinquante ? fit-il. Il y a là de quoi faire cinquante gardes !
— Jamais Sa Majesté n’aura été mieux gardée ! observa Cogolin. Tiens ! Qu’est-ce qui vous prend ?"
Capestang allait et venait d’un pas furieux. Parfois, il poussait un grondement. Ses yeux étincelaient. Son bras exécutait des moulinets féroces.
"À qui en a-t-il ? fit Cogolin en se réfugiant derrière une pile costumes. Hé ! monsieur le chevalier, vous êtes tout pareil au capitan qu j’ai vu à la foire Saint-Germain lorsqu’il s’apprête à pourfendre...
— Toi aussi ! cria Capestang, qui s’arrêta court.
— Comment moi aussi ? Miséricorde, auriez-vous l’intention de me pourfendre ?
— Imbécile ! rugit Capestang. Tu ne vois pas que je les tiens ! Tais-toi Pas un mot ! Remontons à notre grenier et faisons-y bonne garde ! Nous n’en bougeons plus. Tu n’en sortiras que pour aller nous chercher à manger. Et les chevaux ? il faudra leur trouver un coin où l’on ne puisse les découvrir. Ou plutôt, écoute. Tu vas les conduire à la prochaine auberge et tu les y logeras pour huit jours. Quant à nous !... Cogolin, ma fortune est faite pour le coup !
— Je veux bien, monsieur, dit Cogolin. Mais nous devrions aller loger au Rameau-d’Or près le Louvre ! Je me suis laissé dire que la cuisine y est délicate, et, puisque notre fortune est faite...
— Tais-toi !" gronda Capestang qui recommença son moulinet, ses appels du pied et ses attitudes féroces comme s’il eût défié cinquante ennemis.
Tout s’exécuta comme venait de le dire le chevalier. Les chevaux furent mis en pension à l’auberge de la Bonne-Encontre, distante de cinq cents pas, c’est-à-dire qu’on pouvait les retrouver vite en cas de besoin et qu’on en était débarrassé pour le moment ; Capestang et Cogolin s’installèrent dans le grenier comme s’ils n’eussent jamais dû le quitter. Cogolin sortait la nuit seulement pour aller chercher des vivres.
Cinq jours se passèrent. Cinq mortelles journées pendant lesquelles Capestang eut mille fois la pensée de renoncer à cette faction qu’il s’était imposée. Le soir du cinquième jour, il n’y tint plus et décida que le lendemain matin on décamperait. Cette nuit-là, Capestang ne dormit pas.
"Cinq jours perdus ! grondait-il. J’ai dit à Giselle que je partais pour la conquérir, que je bouleverserais Paris et le royaume ! Et voici cinq jours que je me vautre dans la paille. Ah ! capitan ! misérable capitan !"
Il se rongeait les poings. A ce moment-là, il était environ onze heures. Le silence était absolu. Les ténèbres profondes. Capestang secoua Cogolin qui dormait et lui dit furieusement :