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aux rares clients de la salle commune d’avoir à déguerpir à l’instant. Puis il rassembla les valets, garçons et filles, leur paya leurs salaires et les pria d’aller, tout de ce pas, chercher fortune ailleurs. Les invectives de Mme Lureau avaient atteint au tragique des imprécations, mais voyant que l’aubergiste, pour la première fois de sa vie conjugale, ne manifestait aucun signe de repentir ou d’émotion, elle prit le parti de s’évanouir, tout en surveillant du coin de l’œil les allées et venues de Lureau.

À ce moment, deux ou trois charrettes s’arrêtèrent sur la route, devant l’auberge ; puis plusieurs hommes entrèrent, et, dirigés par maître Garo, commencèrent à entasser sur les véhicules les tables, escabeaux, bahuts, tonneaux, batterie de cuisine, et le reste.

Or, tandis que s’accomplissait ce déménagement – cette abdication – il y avait dans l’auberge deux hommes qui assistaient à cette opération, l’un avec une sorte d’intérêt pensif, l’autre avec une inquiétude grandissante. Le premier était un étranger. Le deuxième, c’était Cogolin.

"Alors, murmurait celui-ci, nous voici sans logis ? il est bien heureux, par ma foi, que j’ai eu l’idée de faire gagner dix-huit cents livres à M. le chevalier. Mais que va-t-il dire en rentrant ?"

Ce remue-ménage, en effet, se passait dans le temps où Capestang courait rue des Barrés, où nous l’avons vu à l’œuvre. Cogolin, hochant la tête et songeant, non sans quelque remords, qu’il était la cause première de cette déconfiture, regagna l’appartement de son maître, c’est-à-dire la chambre de Capestang et le petit cabinet où il avait, lui, établi ses pénates. La chambre était vide, et vide le cabinet ; lit, table, chaises, fauteuils, tout était enlevé. Cogolin s’assit sur le plancher, décidé à attendre là le retour du chevalier.

"Allons, mon brave, il faut vous en aller, fit tout à coup Lureau qui, faisant une dernière tournée dans l’auberge, venait d’apparaître sur le seuil de la chambre."

Cogolin secoua la tête.

"Comment, non ! s’écria l’hôte. Mais j’ai vendu le Grand-Henri, et...

— Crime de haute trahison, maître Lureau ! Vous vendez un roi ! Le propre père de notre sire !"

Lureau demeura un instant stupéfait. Mais sûr de son droit et de la pureté de ses intentions, il reprit d’un ton goguenard :

"Crime ou non, il faut déguerpir de céans. Sans compter que vous me devez..."

Cogolin tira de sa poche une poignée d’écus et les montra à Lureau ébahi. L’hôte allongea la main et prenant sa figure la plus souriante :

"Monsieur Lureau, dit Cogolin en faisant disparaître les pièces blanches, j’ai là dix écus qui sont bien à votre service.