Concini à genoux sur la poitrine de Lux, frappait à coups redoublés, au hasard ; la folie furieuse du sang se déchaînait en lui ; il délirait ; son bras se levait et retombait ; à chaque coup, un gémissement fusait de ses lèvres livides ; il frappait, il était plein de sang, la tête lui tournait ; le visage du cadavre n’était plus qu’une plaie rouge... et ce cadavre, enfin, il le saisit par les cheveux et le traîna jusqu’au fleuve où, d’un coup de pied, il le fit rouler. Quant à Rinaldo, il avait imité son maître en traînant le cadavre de Brain... et quelques secondes plus tard, les deux corps voguaient de conserve, s’en allaient au fil de l’eau, plongeaient, reparaissaient un instant, puis enfin ils s’enfoncèrent.
.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
Rentrés à l’hôtel d’Ancre, Concini et Rinaldo commencèrent par changer de vêtements. Sans doute Concini vivait une de ces heures de fièvre furieuse où le repos est impossible, où l’esprit, après l’action, conserve cette même houle tumultueuse que conserve l’océan après la tempête.
"Rassemble nos hommes ! gronda-t-il. Ah ! peste, comme disaient ces deux braves, je me sens en goût. Et, pendant que je suis en train d’en découdre, il me faut encore une peau !
— Ah ! ah ! fit Rinaldo, les yeux écarquillés. Bataille, donc ! Mai contre qui ?
— Tu oublies, Rinaldo ! ricana Concini. Ta haine ne vaut pas la mienne ! Ah ! ah ! tu oublies !
— Capestang ! grinça Rinaldo, dont l’œil s’éclaira d’une lueur funeste.
— Oui ! Tu vois que, cette fois, il nous faut tous nos hommes. Va donc les rassembler, et envoie quelqu’un jusqu’à cette auberge de la rue de Vaugirard pour éclairer un peu le terrain."
Rinaldo s’élança vers cette sorte de vaste dortoir que les ordinaires de Concini occupaient en commun, et qui était situé au deuxième étage de l’hôtel. À ce moment, il était plus de minuit. Mais, à peine rentrés de l’expédition de la rue des Barrés, les spadassins n’étaient pas couchés encore.
"Bataille, messieurs ! dit Rinaldo en entrant. Équipez-vous, armez-vous solidement. Il s’agit d’un sanglier qui découdra plus d’un de nous. À vos armes, donc, et en chasse ! Montreval, puisque te voilà tout prêt, pars devant jusqu’à l’auberge du Grand Henri, rue de Vaugirard, et reviens nous dire si le sanglier est à sa bauge !
— Bon ! fit Montreval.