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que je vais te tuer ! Tu ne vois donc pas que c’est tout ce que je peux faire d’attendre une seconde avant de t’égorger !"

Léonora souffrait affreusement dans son cœur de son amour insulté à ce point que pour la première fois, son mari avouait, proclamait, hurlait sa passion pour une autre. Elle souffrait aussi dans son corps, car la main de fer de Concini crispée à son bras lui labourait les chairs. Mais elle n’y prenait pas garde. Elle baissa la tête, deux larmes de désespoir jaillirent de ses yeux, et elle murmura :

"O mio amore !"

Concini grinça des dents, et, d’une voix blanche :

"Tu le veux, Léonora ! C’est toi qui le veux ! Eh bien..."

Un geste de Léonora arrêta le bras qui allait s’abattre.

"Et moi, dit-elle, j’ai ceci à te dire : tue-moi, Concino ! mais j’emporte mon secret, entends-tu ! Moi morte, tu pourras démolir Paris pierre par pierre : tu ne la trouveras pas ! Moi morte, elle mourra. Maintenant, tue-moi si tu veux ! J’avais prévu cela. J’avais prévu la trahison de ces deux imbéciles. Je prévois tout, moi ! Même que je dois périr de la main que j’adore ! Allons, Concino, qu’attends-tu pour frapper Léonora et tuer du même coup ton Oiselle !"

Concini jeta son poignard ; il se mordit le poing, et, avec un gémissement lugubre, s’abattit à genoux ; les sanglots déchirèrent sa gorge ; immobile, toute droite dans les plis rigides de ses vêtements noirs, Léonora le contemplait avec la souveraine pitié à la fois méprisante et presque maternelle de son âme supérieure. Concino ramassa le poignard qu’il venait de jeter.

"Léonora, bégaya-t-il, c’est moi qui vais mourir, c’est moi que je vais frapper si tu ne me jures de respecter la vie de cette jeune fille.

— Calme-toi, dit-elle froidement. Si j’avais voulu la tuer, elle serait morte déjà. Je veux qu’elle vive, et je t’en donnerai la preuve dès qu’elle ne sera plus dangereuse pour l’issue des événements qui se préparent.

— Oui, tu as raison ! Mais quelle preuve me donneras-tu ?

— Je te conduirai à elle !" fit simplement Léonora.

Il se releva d’un bond, la saisit dans ses bras, la couvrit de caresses ; il était ivre de sa rage, de son désespoir et de son bonheur ; il lui jurait qu’il l’aimait, qu’il n’aimait qu’elle ; et elle le laissait tout pantelant, exhaler sa passion ; elle lui souriait ; elle acceptait tout, promesses de fidélité, caresses – et enfin, après un dernier baiser furieux, il sortit précipitamment.

"O mon amour, générateur de haines sauvages ! gronda alors Léonora défaillante. Quelle vengeance ! Quelle implacable vengeance il va me falloir !"

Cependant Concini était redescendu dans la cour. Il retrouva Rinaldo où il l’avait laissé. Il lui parla rapidement à