née au pied du gibet ! Que celle qui doit être reine de France a été élevée par le bourreau[1] !"
Il avait courbé le dos, comme sous le poids d’une catastrophe morale.
"O fautes de ma jeunesse, reprit-il avec une sombre amertume, comme vous pesez durement sur ma destinée ! Amour, passion aveugle, où es-tu ? Oui, je l’ai aimée, adorée, je serais mort, alors, si Violetta n’avait pu être mienne... et maintenant ! je..."
Il eut un geste brusque, secoua rudement la tête, s’approcha d’un flambeau, tira de son pourpoint une lettre qui y était cachée et la lut, ou plutôt il dévora des yeux pour la centième fois la dernière phrase de cette lettre. Voici cette phrase :
« Vous concevrez d’après ce qui précède, que je ne puisse laisser aboutir la conspiration si vous ne tenez vos formelles promesses. Pardonnez-moi, mon cher duc, mais qui me dit que le roi Charles X n’oubliera pas les serments du comte d’Auvergne ? Donc, ou la situation future de mon fils à votre cour est assurée par un bon mariage en règle dont je recevrai certificat sous huit jours, ou... Vous êtes trop habile politique pour ne pas achever vous-même ma pensée.
« Je suis, mon cher duc et futur sire,
« Votre respectueusement affectionné,
« Marquis de CINQ-MARS. »
"Il est temps ! Il est grand temps ! murmura le duc avec un soupir atroce. Que ce soir à minuit, il se produise encore un incident… et ma fortune s’effondre !"
Il brûla la lettre jusqu’à la dernière parcelle de papier, et, à son tour s’élança au-dehors, il se dirigea rapidement vers l’hôtel de la rue Dauphine.
Capestang avait assisté à toute cette scène comme on assiste à un heureux songe, avec la crainte de se réveiller. Il est vrai que la cérémonie interrompue par Violetta devait être reprise à minuit… Mais avec sa prompte et ardente imagination, le chevalier dotait déjà la fée de Meudon d’une puissance fantastique. Ce qu’elle venait d’empêcher, elle l’empêcherait encore ! Capestang, toutefois se mit à disputer avec lui-même s’il s’en irait, confiant en l’intervention suprême de la fée, ou s’il resterait là, lorsque, comme tout à l’heure, une voix près de lui, murmura :
"Venez !"
Et cette fois encore, c’était Violetta. Elle le saisit par la main, le fit passer par une petite porte dissimulée derrière une tenture et l’entraîna rapidement à travers deux ou trois pièces
- ↑ Allusion à un ouvrage de l’auteur, Les Pardaillan, et plus précisément, La Fausta. (Note de l'auteur)