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— Elle m’attend !" bégaya Cinq-Mars, à qui Capestang apparut à ce moment comme l’ange dut apparaître à Jacob.

Le chevalier haussa les épaules.

"Elle vous attend parce qu’elle est menacée d’un danger dont vous seul pouvez la tirer ; voilà ce que j’ai donné ma parole de vous répéter. Adieu, monsieur."

Cinq-Mars se jeta au-devant du chevalier. Il était rayonnant. Il était ivre de passion.

"Et, menacée d’un danger, ce n’est pas à vous qu’elle s’adresse ? C’est moi qu’elle appelle ! C’est moi qu’elle attend ! Oh ! mais... ce n’était donc pas vrai ? Ce misérable Laffemas a donc menti ! Oh ! mais elle ne vous aime donc pas ! Répétez, par grâce ! Elle m’attend ! Moi seul puis la sauver !

— Eh ! monsieur, voilà une heure que je me tue à vous le dire ! Adieu !

— Chevalier, s’écria Cinq-Mars, nous ne pouvons nous quitter ainsi ! Chevalier, sachant qui j’étais, après ce que j’ai dit et fait contre vous, vous venez de me sauver la vie. Je vous le dis, moi, c’est grand, c’est généreux, c’est sublime ce que vous avez fait là ! Et, non content de me sauver la vie, vous me rendez l’espoir, sans lequel cette vie m’était à charge."

Capestang écoutait ces paroles avec une joie terrible. Chacune d’elles était une pelletée de terre comblant l’abîme qui le séparait de Giselle.

"Je vous le dis, chevalier ! continuait Cinq-Mars délirant, je vous dois donc plus que la vie. Tenez, je vous en prie..."

Il allait dire : « Soyons amis ! Voici ma main ! » Oui, il allait tendre sa main !

Dans cet instant, un nuage descendit sur son front assombri. L’image de Giselle se présenta à lui soudain. Et, chose étrange, Cinq-Mars qui n’aimait pas Giselle avait deviné il ne savait quoi de profond entre Giselle et Capestang. Et Cinq-Mars qui n’aimait pas Giselle, qui venait de reconquérir Marion, Cinq-Mars comprenait qu’entre lui et le chevalier la lutte allait se porter plus terrible, sur un autre terrain ! Et son cri d’amitié éperdue lui rentra dans la gorge. Et sa main prête à se tendre retomba.

Il y eut entre les deux hommes un bref silence d’attente et d’angoisse. Et comme si chacun d’eux eût soudain compris qu’ils n’avaient plus rien à se dire, d’un même mouvement ils se découvrirent, se saluèrent et, presque ensemble, ils murmurèrent :

"Adieu !"