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Capestang vit l’éclair d’une épée. Dans la même seconde, il fut en garde, la rapière au poing, et presque en même temps, il fit un bond en arrière en poussant un sourd juron… car ce n’était plus un homme, une épée qu’il avait devant lui ! C’étaient six hommes qui surgissaient. C’étaient six épées qui flamboyaient ! C’étaient les spadassins de Concini, que Bazorges avait été chercher !... Et Capestang reconnut la voix de Rinaldo qui hurlait :

"Ah ! Capitan de malheur ! Cette fois, tu es mort !

— Pas encore !" rugit Capestang.

Et par une manœuvre qui lui était familière depuis longtemps, il saisit sa rapière par la lame et se mit à faire tourbillonner le pommeau en un moulinet vertigineux. A ce jeu, il risquait de se couper la main, mais il triplait sa force. Deux épées tintèrent, brisées comme verre ; un des hommes s’affaissa, atteint au front par la terrible masse d’acier qui tournait, enveloppait Capestang comme d’une cuirasse, des hurlements de rage éclatèrent ; coup sur coup, Rinaldo, Pontraille, Montreval se fendirent à fond, et se relevèrent en jurant comme des possédés.

"Corpo di Cristo ! vociférait Rinaldo. Il a une cotte de maille !

— Ventre du pape ! hurla Bazorges, mon épée est cassée !"

Capestang, les dents serrées, l’œil exorbité, poursuivait son moulinet furieux, il bondissait d’un bord à l’autre du pont ; il portait un coup de pommeau, puis, d’un recul, se mettait à l’abri. Mais cela ne pouvait durer longtemps. Déjà, il était atteint, à l’épaule et sentait son bras s’appesantir ; les poignards étaient sur sa poitrine ; l’un d’eux fendit son pourpoint ; il haletait ; une sueur froide lui inondait le visage ; un brouillard voilait ses yeux…

"Sus ! sus ! rugit Rinaldo. Il est à nous !

— Achève ! Achève !" vociférèrent les bravi.

Un dernier effort, un dernier bond, Capestang épuisé s’adossa à la porte de l’un des logis et, à ce moment, comme il voyait flamboyer les yeux des assassins, comme il sentait sur sa figure leur haleine brûlante, il eut ce rugissement de l’être qui se voit sauvé, ne fût-ce que pour quelques secondes ! La porte s’ouvrait ! Il la poussa d’un effort de tous ses muscles tendus, entra comme une trombe dans le logis et repoussa la porte, tandis que, au-dehors, éclataient les imprécations des six qui, unissant leurs forces, pesaient de tout leur poids pour ouvrir à leur tour.

Une voix près de Capestang, une voix étrange de calme, murmura :

"Montez jusqu’en haut par cet escalier et ouvrez la fenêtre qui donne sur le fleuve..."

Sans voir celui qui parlait, sans se demander d’où venait cette voix, Capestang se retourna, vit l’escalier de bois et s’y