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trouve pas de la chair de lièvre, je me contenterai de chair de bécassines ou d’alouettes. Vous voyez que je n’ai pas de temps à perdre.

— Mais, d’après ce que vous dites là, un ou deux de mes pâtés peuvent très bien s’employer à votre onguent.

— Vous croyez ? fit Cogolin.

— J’en suis sûr. Et ils ont l’avantage d’être tout faits d’avance. Et ensuite, que faut-il ?

— Ah ! maître Lureau, vous m’arrachez tout mon secret. Ensuite, je cours chercher une vingtaine de bouteilles d’un liquide extrait d’une certaine plante qu’on nomme vigne ; mais il faut que le liquide ait vieilli : s’il est jeune, l’onguent est perdu. Il faut, de plus, que la plante d’où il a été extrait ait poussé sur certains coteaux de Bourgogne, ou en des lieux lointains, tels que Syracuse, Malaga ou Xérès. Adieu, laissez-moi courir, Parallaxis !

— Monsieur Cogolin, fit l’hôte non sans majesté, il me semble que quelques bouteilles de vin feront l’affaire, et sachez que j’ai de tous ces vins-là dans ma cave, et bien d’autres encore. Et ensuite, que faut-il ?

— Ensuite ? fit Cogolin en réfléchissant. C’est tout. Vous comprenez, je verse les vingt bouteilles de vieux liquide dans une grande bassine que je mets au feu sur le coup de minuit. Quand le vin se met à bouillir, j’égorge mes huit poulets pour obtenir le sang que je mêle au vin. Je laisse mijoter une heure. Bon. Je précipite alors dans la bassine ma cuisse de cochon…

— C’est-à-dire le jambon.

— Appelez-la ainsi, si cela vous convient. Et pour mieux faire, j’y joins une vingtaine de rondelles de la chair d’un autre cochon réduite en cette forme ronde et allongée qu’on nomme...

— Un saucisson ! s’écria Lureau triomphant.

— C’est possible. Je laisse le tout se réduire pendant deux heures. Bon. Je précipite alors dans le mélange ladite chair de lièvre ou de mauviettes avec sa croûte de pâte…

— Le pâté, hein ?

— Peu importe le nom, maître ! J’attends que le tout, par la cuisson, se soit réduit à la valeur d’un fond de bassine. Je passe dans un linge fin, et j’en extrais environ un demi-verre d’une gelée qui constitue mon onguent. Alors, je m’oins la tête. Je dis trois Pater. Je prononce trois fois Parallaxis, Asclèpios, Catachrèsis... une heure après, mes cheveux sont repoussés. Adieu, maître, je cours aux provisions.

— Monsieur Cogolin ! supplia l’hôte.

— Hé ! monsieur Lureau, je vous vois venir ! Vous voulez me demander la moitié de l’onguent que je vais me préparer ! Mais que n’en faites-vous autant, puisque je vous ai donné la recette !"