En arrivant au logis, le premier soin de Capestang fut de courir aux écuries pour voir si son cheval Fend-l’Air avait été ramené par Cogolin. Non seulement il ne vit pas Fend-l’Air, mais il eut beau appeler Cogolin par des cris et des vociférations qui réveillèrent toute la maisonnée, Cogolin ne répondit pas. Le chevalier se jeta tout habillé sur son lit, persuadé qu’il ne pourrait fermer l’œil, et décidé à attendre la rentrée de son digne écuyer, d’abord pour lui tirer les oreilles et ensuite dans l’intention de faire au loin quelque rude chevauchée destinée à calmer ses nerfs.
Mais Capestang avait compté sans sa robuste jeunesse ; il était étendu depuis cinq minutes qu’il sentit alors la réaction de la fatigue corporelle et cérébrale ; et il s’endormit d’un lourd sommeil peuplé de rêves étranges, puis ces visions elles-mêmes s’effacèrent. Il était plus de midi, lorsque le chevalier se réveilla de cette pesante torpeur ; il vit avec étonnement qu’il faisait grand jour dans sa chambre.
"Oh ! fit Capestang. Quelle heure peut-il bien être ?
— L’heure de dîner, monsieur, j’en jure par les dires de mon véridique estomac. Vous n’avez pas idée comme mon estomac connaît les heures ; c’est une horloge que j’ose qualifier impitoyable, surtout les jours où...
— Cogolin ! fit Capestang à demi joyeux, à demi furieux, en reconnaissant son valet.
— Non, monsieur, Laguigne, aujourd’hui. Laguigne ! Nom détestable que je reprends bien malgré moi et qui, cependant, est justifié par...
— Te tairas-tu, misérable drôle ! interrompit Capestang qui s’assit sur le bord de son lit.
— Je me tais.
— Parle ! Où as-tu passé la nuit ? Comment n’ai-je plus trouvé mon cheval au moment où j’en avais le plus grand besoin ? Explique-toi, ou je t’arrache les cheveux !
— C’est impossible, monsieur, dit majestueusement Cogolin.
— Hein ? Et pourquoi, corbacque ?
— Parce que je suis chauve. Regardez."
Cogolin, exécutant lui-même la menace de son maître, saisit à pleines mains la toison qui ornait son crâne et tira dessus :