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des paroles qui demeureront gravées dans mon cœur. Ici comme sur la route de Meudon, et ailleurs, en quelque occasion que ce soit, ma vie vous appartient, faites-moi l’insigne honneur d’en disposer à votre gré.

— Merci, monsieur le chevalier, murmura Giselle d’une voix contenue. En vous voyant sur la route de Meudon, en vous écoutant ici devant ces nobles seigneurs, fleur de la gentilhommerie, j’ai cru voir, je crois entendre un de ces paladins de jadis dont j’ai lu les hauts faits dans nos vieilles chansons de geste."

Le chevalier, pâle, frémissant d’un orgueil et d’une joie sublimes, écouta ces paroles comme il eût écouté la parole d’un dieu. Les conspirateurs se regardaient avec étonnement. Le duc d’Angoulême, du coin de l’œil, surveillait Cinq-Mars et le voyait en proie à une agitation qu’il attribuait à la jalousie. Angoulême frémit de terreur.

Le mariage de Cinq-Mars et de Giselle, c’était la clef de voûte de toute la construction péniblement échafaudée par son ambition. Cinq-Mars était venu à Paris, envoyé par son père, pour se fiancer à Giselle. Que Cinq-Mars s’en retournât sans que les suprêmes paroles eussent été échangées et c’était peut-être l’écroulement de sa fortune ! D’un regard, le duc jugea sa situation. Il se vit perdu s’il ne prenait pas une de ces résolutions désespérées qui donnent la victoire ou précipitent la défaite, mais qui précisent l’événement. Il renfonça la joie paternelle très profonde, très sincère qu’il éprouvait à revoir sa fille saine et sauve, il remit à plus tard de savoir comment et par qui elle avait été enlevée de Meudon ; et prenant Cinq-Mars par la main :

"Ma fille, dit-il avec une sorte de solennité, ce m’est un violent chagrin de savoir que tu fus sauvée sur la route de Meudon par un aventurier, et non par ton fiancé, comme tu semblais le croire, comme je l’ai cru. Quoi qu’il en soit, j’ai ta parole et j’ai engagé la mienne. Ton fiancé, le voici. Messieurs, chers amis, permettez-moi de vous annoncer dès cet instant, car nous vivons tous dans une position anormale qui brise les conventions ordinaires, de vous annoncer, dis-je, en vous priant d’en prendre acte, le très prochain mariage de ma fille bien-aimée Giselle, ici présente, avec M. Henri de Ruzé d’Effiat, marquis de Cinq-Mars, ici présent."

L’imprévu de cette scène, la pâleur de Giselle, ces étranges fiançailles au fond des souterrains, dans une minute où les témoins palpitaient encore de la lutte, l’attitude provocante de Cinq-Mars qui, au lieu de regarder sa fiancée, tenait ses yeux ardents fixés sur Capestang, tout concourait à donner aux paroles du duc d’Angoulême une signification poignante.

Capestang souriait.

Giselle, en une de ces rêveries qui durent une seconde et embrassent