tout à coup, elle se trouva en haut des marches, d’où elle dominait la scène de bataille. Bataille ? Non ! Meurtre ! On tuait quelqu’un ! Dix ou douze contre un ! Et ce quelqu’un, son épée brisée, son pourpoint en lambeaux, se croisait les bras dans une suprême attitude de défi et, du regard, semblait contenir encore la meute !
Giselle jeta un cri déchirant, un cri terrible qui fit tressaillir les assaillants et arrêta leurs rapières. Cet homme qui allait mourir ! Giselle, du premier regard, le revoyait tel qu’il se présentait toujours à son imagination ! tel qu’elle l’avait vu sur la route de Meudon ! flamboyant d’audace, emphatique d’attitude, mais superbe, effrayant et rayonnant. Angoulême se retourna, jeta son épée et poussa une délirante clameur :
"Giselle ! Ma fille ! Ma bien-aimée !"
En quelques bonds, Giselle fut au bas de l’escalier.
"ELLE ! rugit en lui-même Capestang, enivré, extasié. Mourir avec cette vision dans les yeux !"
Giselle, d’un geste impétueux, d’une poussée de tout son être, repoussa les épées. Une goutte de sang rougit sa main, l’une des pointes venait de la piquer. Palpitante, le sein tumultueux, elle s’était placée devant Capestang. Un silence terrible s’abattit sur cette assemblée. Dans ce silence, Giselle prononça :
"Mon père, vous assassinez l’homme qui m’a sauvée des mains de Concini. "
Condé, Guise, les autres, tous, d’un même geste, saluèrent de leurs épées et les remirent au fourreau. Cinq-Mars brisa la sienne sur ses genoux. Livide, le duc d’Angoulême bégaya :
"Qui t’a sauvée ? Le chevalier de Capestang ? Sauvée de Concini ? Oh ! mais tu as dit Cinq-Mars ! Oh ! mais Capestang ne t’a donc pas enlevée de Meudon ? Parlez, Cinq-Mars ! Parle, Giselle !
Giselle, d’une voix d’étrange douceur :
"J’ignorais qu’il s’appelât le chevalier de Capestang. Trop généreux pour se faire connaître de moi, dans l’heure où il me sauvait, il était d’ailleurs trop occupé à arrêter de son épée les gens de Concini, au nombre d’une dizaine, et à assurer ainsi ma retraite.
— Une dizaine ! s’écria Guise. Corbleu ! J’eusse voulu être là pour voir. Une dizaine contre un ! Tout autant qu’il en fut envoyé contre mon père au château de Blois ! Et c’étaient des spadassins du Concini ! de terribles lames, dit-on.
— Moi aussi, dit Condé, j’eusse voulu être là pour voir et pour croire.
— Monseigneur, fit Capestang de sa voix d’ironie, vous êtes tout porté pour voir. Comptez-vous, messieurs, il me semble que vous êtes bien près de douze contre un... Madame, ajouta-t-il en s’inclinant devant Giselle, vous venez de prononcer